AVIGNON

17/06/2025 - Par Renan Cros
À la fois comédie romantique et film de troupe, AVIGNON questionne le goût des uns et des autres avec un charme fou. Parfait pour démarrer l’été.

Chaque année, au mois de juillet, la ville d’Avignon se transforme. Des hordes de troupes de théâtre envahissent la Cité des Papes, tracts à la main, en espérant convaincre les passants de venir voir leurs spectacles. Et tandis que dans les lieux prestigieux du Festival IN se jouent des productions coûteuses, c’est le système D et le travail à la chaîne qui priment pour des dizaines d’autres pièces. C’est dans ce décor improbable que l’acteur Johann Dionnet décide d’installer son premier film de réalisateur. Il connaît bien la dure loi d’Avignon et il en tire une comédie maline, drôle et charmante, qui questionne les hiérarchies culturelles. Une pièce de boulevard médiocre, est-ce autant du théâtre qu’un classique signé Victor Hugo ? Le beau texte est-il plus respectable que le texte qui fait rire ? La passion du métier suffit-elle à faire carrière ? Des questions pas si anodines qui, par-delà le théâtre, interrogent le mépris de classe, l’artisanat face à l’art et la place du divertissement. Tout ça pourrait être très théorique ou appuyé mais Johann Dionnet a l’intelligence de déguiser ses doutes et ses inquiétudes en romcom et en film de potes. Comédien qui court les cachets, Stéphane file à Avignon avec sa troupe jouer « Ma sœur s’incruste », boulevard en pilote automatique. Quand il croise Fanny, comédienne respectée, un quiproquo lui fait croire qu’il joue Rodrigue dans « Le Cid ». Flatté de son respect, il n’ose pas la contredire. À partir de ce sac de nœuds, AVIGNON file avec énergie entre quotidien galère d’une troupe dysfonctionnelle et mensonges éhontés du héros pour se faire passer pour l’acteur qu’il n’est pas. Ou qu’il aurait pu être. C’est toute la finesse du film de n’être jamais démagogique. Car s’il égratigne une forme de snobisme du milieu, il n’épargne pas la machine à fric parfois douteuse des comédies médiocres. AVIGNON regarde le théâtre comme un métier et questionne la sincérité du geste, le travail dans ce qu’il a de plus concret. Jouer pour le plaisir, parce qu’on ne sait faire que ça. Tornade de comédie, ici posé dans un rôle plus calme, plus doux, Baptiste Lecaplain a la carrure pour porter la comédie et le romantique face à Elisa Erka. Et tandis que la troupe part en vrille (Alison Wheeler, Johann Dionnet, Rudy Milstein, Lyes Salem, tous excellents), on observe ces deux-là se tourner autour. C’est toute la réussite de ce film humble et sincère, qui raconte les rêves et les défaites d’une bande d’acteurs, que d’être au final exactement ce qu’il prétend être. À savoir une comédie lucide et pourtant tendre sur cet étrange métier qui consiste à jouer des rôles pour trouver qui l’on est.

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Sortie : 18.06.25
Réalisateur : Johann Dionnet
Avec : Baptiste Lecaplain, Elisa Erka, Alison Wheeler, Lyes Salem
Pays : France
Durée : 1h40
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