VERS UN PAYS INCONNU
VERS UN PAYS INCONNU s’ouvre sur une citation du penseur palestino-américain Edward Saïd : « Le destin des Palestiniens est de ne pas finir sur leurs terres d’origine mais plutôt dans un endroit inattendu et lointain ». Mahdi Fleifel, lui-même d’origine palestinienne, va s’employer à illustrer le propos de Saïd, jusqu’à mener la réflexion vers un territoire plus métaphorique : cet « endroit inattendu et lointain » n’est pas forcément un territoire physique. Chatila et Reda, réfugiés à Athènes, vivent de petits larcins, espérant se payer un passeport qui les mènera en Allemagne. Mus par l’énergie du désespoir, unis par une relation heurtée mais touchante rappelant « Des souris et des hommes » de Steinbeck, ils tentent d’échapper à la misère, au sort de ceux qui émigrent « en suffoquant dans un camion ». La caméra, énergique et naturaliste, ne manque pour autant jamais de romanesque et suit tout ce qu’ils ont à faire pour survivre : du larcin on passe à l’arnaque plus sophistiquée, puis à la violence, les faibles usant des faibles. Le cinéaste assène ainsi la déshumanisation forcée, consciente de ses personnages – n’est-il pas là aussi, cet « endroit inattendu et lointain » ? Si le film se révèle un peu trop long pour éviter la redondance, celle-ci n’a rien de l’acharnement d’un cinéaste en quête de pathos. Il s’agit juste d’un regard, certes appuyé, mais frontal sur une réalité indicible.
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Réalisateur : Mahdi Fleifel
Avec : Mahmood Bakri, Aram Sabbah, Mohammad Alsurafa, Angeliki Papoulia
Pays : France / Allemagne / Danemark
Durée : 1h45