MICKEY 17
Personne ne sera surpris d’apprendre que le réalisateur de films aussi engagés et vindicatifs que THE HOST, SNOWPIERCER, OKJA ou PARASITE en a gros sur la patate. Chez Bong Joon Ho, la colère prend souvent les armes du sarcasme et de l’exubérance, du grotesque monstrueux. Le tout dissimule en réalité une grande tristesse, presque un désespoir de constater l’idiotie crasse de l’espèce humaine. Ça ne s’arrange pas avec MICKEY 17 ou l’histoire d’un pauvre garçon qui, en 2054, pour échapper à des usuriers, s’engage sur une mission spatiale menée par Kenneth Marshall, politicien sans mandat adulé par des fans transis. Mickey y assure les missions les plus dangereuses. Dès qu’il meurt, son corps est réimprimé. Et rebelote. Après 16 cycles, Mickey 17 se retrouve, à tort, laissé pour mort. Lorsqu’il rejoint sa colonie, Mickey 18 a déjà été imprimé. Problème : les « multiples » sont interdits par la loi et doivent être tués… De ce postulat inspiré du roman « Mickey 7 » d’Edward Ashton, Bong Joon Ho tire une satire en forme de concentré des pans les plus excessifs de SNOWPIERCER et OKJA. Ainsi, Bong relate les trépas en cascade de Mickey dans un prologue dont la drôlerie ne cherche jamais à faire oublier sa cruauté. Tandis que Mark Ruffalo et Toni Collette incarnent des monstres vampiriques, des tyrans eugénistes – le premier en parodie baroque de Donald Trump –, Robert Pattinson interprète avec candeur et colère le sacerdoce de Mickey. Lutte des classes, mépris du vivant, peur de l’autre, impérialisme, écocide : Bong Joon Ho radiographie dans un barnum ridicule tout ce qui a fini par déraper dans la conduite capitaliste ultra-libérale du monde. Si bien qu’il encapsule à la perfection cette folie aberrante qui parcourt aujourd’hui la planète, cet inversement dément des valeurs, ce dérèglement kafkaïen du compas moral. Et Bong de filmer, tel un prophète, les partisans de Marshall lever les doigts au ciel comme autant de néo-saluts nazis. Ce constat entre rage, consternation et chagrin, Bong Joon Ho le met en scène avec sa précision habituelle. D’aucuns auraient accordé la forme au ton ; lui refuse au contraire tout excès : le montage se permet des creux, la musique oppose aux valses lyriques et tourbillonnantes de l’orchestre la mélancolie plus statique d’un piano, la photographie préfère une rigueur qui souligne d’autant plus la déraison. Un grand film, mal aimable et branque comme l’époque les refuse souvent. Il n’empêche : quand, dans 50 ans, une génération s’interrogera sur l’état mental du monde en 2025, sans doute suffira-t-il de lui projeter MICKEY 17 pour le lui expliquer.
Partagez cette chronique sur :

Réalisateur : Bong Joon Ho
Avec : Robert Pattinson, Mark Ruffalo, Naomi Ackie, Toni Collette
Pays : États-Unis
Durée : 2h17