WOLF MAN
Après le remarquable INVISIBLE MAN, portrait glaçant d’un pervers narcissique et chronique des violences faites aux femmes, Leigh Whannell continue de réinventer les mythiques Monstres des studios Universal et s’attaque à WOLF MAN. Loin du récit d’époque de la version de 2010 par Joe Johnston, Whannell opte à nouveau pour une histoire contemporaine. Il opère toutefois un changement radical de point de vue : là où INVISIBLE MAN se focalisait sur celui de la victime, WOLF MAN embrasse principalement celui de la créature. Blake (Christopher Abbott), père au foyer, vit à New York avec sa compagne Charlotte (Julia Garner), journaliste, et leur fille Ginger (Matilda Firth). Il apprend que l’État de l’Oregon classe en décès la disparition de son père, qui l’a élevé dans les bois de manière militaire, lui apprenant les techniques de survie – « Mourir est la chose la plus simple au monde », disait-il. Alors que leur couple est en souffrance, Blake propose à Charlotte de partir quelques semaines pour vider la maison de son père. Le premier soir, la famille est attaquée par une bête sauvage. Griffé, Blake ne tarde pas à se transformer… Les bandes-annonces de WOLF MAN laissaient croire à une nouvelle exploration par Whannel de la masculinité toxique. Si le récit fraie encore parfois sur ce territoire (les colères que Blake réprime), il n’est au final que le corollaire d’autres thématiques. Affranchi des règles mythologiques attachées au loup-garou, Whannell aborde des questions passionnantes, qu’il traite avec rigueur : comment réagit-on à la maladie d’un proche ? La maladie tue-t-elle toute possibilité de communication ? Hérite-t-on forcément de ce mal, physique ou mental, qui ronge nos aînés ? Confronté à la notion d’atavisme, Blake, remarquablement servi par l’acteur ténébreux qu’est Christopher Abbott, devient un monstre saisissant, mû par des émotions palpables. Surprenante, l’écriture est volontairement en ligne claire : récit circonscrit, construction affranchie de tout surplus d’intrigue, dénouement anti-spectaculaire. Tout ici, ou presque, se raconte par la mise en scène de Whannell, sa manière de signifier la présence du monstre, de le dissimuler ou de le montrer plein cadre pour mieux capter sa souffrance ou sa rage, ses impressionnants changements de perception captés par un travail remarquable sur le son et de vrais parti-pris visuels (des panos où l’image change selon le point de vue, animal, de Blake, ou humain, de Charlotte). Une mécanique qui préfère la profondeur à l’effroi facile et qui assure autant l’impact émotionnel de l’entreprise que sa singularité.
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Réalisateur : Leigh Whannell
Avec : Christopher Abbott, Julia Garner, Matilda Firth, Sam Jaeger
Pays : États-Unis
Durée : 1h43