NOPE : Rencontre du troisième film avec Jordan Peele

24/07/2024 - Par Emmanuelle Spadacenta
Alors que NOPE est disponible en streaming sur France.TV, retour sur l’entretien que nous avait accordé son réalisateur à la sortie du film en 2022. Jordan Peele nous raconte son rapport au cinéma, aux images, au spectacle, aux plans parfaits, aux money shots, dans une interview tour à tour passionnée et sibylline.

Près d’un tiers de NOPE est au format IMAX « plein » (ratio 1.43). Le reste est aussi tourné en pellicule, en 65mm. C’est à peu près ce que proposait le blockbuster TENET de Christopher Nolan. Jordan Peele a d’ailleurs emprunté le collaborateur fétiche de son confrère britannique : le chef opérateur Hoyte Van Hoytema, garant de la Nolan touch. Peele n’a pas lésiné, pour réveiller les spectateurs de leur torpeur post-Covid, pour les inciter à retourner en salles. Il a sorti l’artillerie lourde : des images spectaculaires par leur ampleur et l’histoire qui va avec. Soit, dans le désert américain (fantasmatique !), l’irruption d’une soucoupe volante (mystérieux !) au-dessus d’un ranch tenu par une famille afro-américaine de dresseurs d’animaux connue d’Hollywood (inédit !). Il y a le père (Keith David), tué très rapidement (c’est dans le trailer) par un projectile en acier qui semble avoir été projeté par l’énergie dégagée par l’OVNI. Pour capter des images de la soucoupe, ses enfants, O.J Haywood (Daniel Kaluuya) et Emerald Haywood (Keke Palmer), engagent Antlers Holst (Michael Wincott), un ponte de l’image en mouvement qui vient braquer des caméras, et même des caméras IMAX, vers le ciel. Il n’y aurait que comme ça qu’on pourrait avoir des photogrammes nets de l’envahisseur qui soulèverait dans les airs et kidnapperait quiconque oserait le regarder en face.

Les trailers et les featurettes de NOPE ont généré leur lot de questionnements et de théories. Notamment sur une certaine concordance des temps… O.J porte un sweat-shirt du ROI SCORPION, film de 2001 – peut-être lui ou son père étaient-ils dans l’équipe ? Emerald, elle, arbore un t-shirt de The Jesus Lizard, un groupe actif entre 1990 et 1998, dont chaque album portait un titre à quatre lettres (comme NOPE). En matière de musique, OJ, lui, se montre vêtu d’un t-shirt « Zapata’s Blood », merchandising de Rage Against the Machine commercialisé en 1996. Chez lui, c’est collection de vinyles et de CD, photos au mur et j’en passe des plus vintage. Alors qu’elle, semble beaucoup plus au fait des technologies modernes – surveillance connectée, Instagram, etc. N’y aurait-il pas là des indices sur les temporalités éventuelles du récit de NOPE ? Voire DES récits de NOPE ? Pourquoi Antlers Holst filme-t-il avec une caméra 35mm dans un premier temps, pour qu’on le voie ensuite avec une caméra IMAX entre les mains ? Qu’est-ce que ça dit de l’évolution des techniques ? Du pouvoir des images ? De nos fascinations pour le spectacle, alors que dans les trailers du film, se multiplient les plans de personnages regardant fascinés ou terrifiés les nuages, comme les archétypes spielbergiens s’émerveillent en levant les yeux au ciel ?

Jordan Peele nous l’affirme (et on le croit sur parole) : NOPE n’a de politique que ses intentions de représentation – et c’est déjà pas mal. « Je ne me vois pas caster un mec blanc dans le rôle principal d’un de mes films. Parce que ce film-là, je l’aurais déjà vu », a-t-il argué un jour au Hollywood Reporter. Ce qui intéresse Jordan Peele, entre autres, c’est d’offrir à des personnages noirs des histoires qu’ils n’ont jamais vécues à l’écran – dans US, l’image d’une famille afro-américaine de classe moyenne propriétaire d’une résidence secondaire et d’un bateau relevait du jamais vu dans le cinéma commercial –, des espaces qu’ils n’auraient jamais occupés, des activités qu’ils n’auraient jamais pratiquées dans un film. Non content d’être les seuls dresseurs afro-américains de l’industrie dans NOPE (Jordan Peele nous explique que dans la vraie vie, il n’y en a pas), O.J et Emerald Haywood seraient surtout les arrière-arrière-petits-enfants de la première star de cinéma noire. Qui ça ? Sidney Poitier ? Encore avant. Lincoln Perry ? Non, encore avant. Le réalisateur Oscar Micheaux, alors ? Encore avant ! Mais vous ne connaissez pas son nom. O.J et Emerald seraient les descendants du jockey qu’Eadweard Muybridge a photographié 12 fois en 1878 à Palo Alto. Pionnier de l’exploitation du relief stéréoscopique, Muybridge se passionne pour un débat d’experts, auquel participe notamment le gouverneur Leland Stanford, autour du galop d’un cheval : certains arguent que la bête n’a jamais les quatre fers en l’air quand il court, d’autres en font un animal quasi-volant. Muybridge place des cordes sur le parcours de course, chaque corde heurtée déclenche une chambre photographique. En résulte une série de photos qui décomposent le mouvement du cheval. La bête d’ailleurs s’appelait Sallie Gardner. L’Histoire a scrupuleusement consigné toutes ces informations – en effet, Muybridge est l’un des pionniers du cinéma. L’information que tout le monde a oubliée, c’est l’identité du cavalier. Il a été la première personne dont le mouvement a été retranscrit via des images animées et personne ne sait plus qui il est.

D’une manière très mystérieuse, Jordan Peele nous affirme que NOPE est une réponse au clip de Muybridge. Les images, leur pouvoir d’évocation, de fascination, ça le connaît. L’exploitation des savoir-faire afro-américains, l’invisibilisation et la représentation, il sait ce que c’est – en produisant LOVECRAFT COUNTRY, il a voulu révolutionner la présence des Noirs dans les récits de science-fiction, par exemple. Ce dont il est expert, surtout, c’est des bonnes histoires qui collent une frousse d’enfer. Beaucoup lui reprochent de peiner à boucler ses récits, de trébucher sur les dénouements, de donner seulement des demi-clés de compréhension, laissant le sens de ses récits à la libre interprétation de chacun. Ce n’est pas faux mais ce n’est pas forcément un mal. Car GET OUT et US nous hantent encore. Et on est déjà obsédé par les images démentes de NOPE, comme celle de Daniel Kaluuya en plein galop, poursuivi par une soucoupe volante, levant le sable et la terre sur son passage. On s’en réveillerait la nuit. Alors on a parlé spectacle et money shots avec Jordan Peele.

GET OUT, US, NOPE sont des titres qui brisent le quatrième mur, ce qui lance une conversation entre vous et le public mais aussi vous et le medium cinéma. Pourquoi est-ce important pour vous d’aborder le cinéma d’une manière interactive ?
Jordan Peele : J’ai toujours trouvé que le cinéma était quelque chose de fun et encore plus fun quand c’est une expérience collective. Mes titres, effectivement, prennent note de la perspective du public. J’essaie en général de sensibiliser ceux qui pensent ne pas aimer les films d’horreur. J’ai toujours eu l’impression que les films à sensation, les films d’horreur, sont un peu ghettoïsés par certaines personnes qui en ont vu un, n’ont pas aimé, pensent que ce n’est pas pour eux sans se rendre compte que dans le large panel qu’offre le genre, il y a des films qu’ils adoreraient. Donc je cherche en partie à inclure les gens. Je sais que devant un film d’horreur, on fait ‘nope… nope nope nope’. Je le sais, c’est tout. Le pouvoir des histoires est à son maximum quand elles s’adressent à tout le monde.

Dans NOPE, vos personnages doivent organiser la captation du phénomène pour le voir clairement et le comprendre. C’est ce que le cinéma fait pour vous ? Il vous aide à voir le monde plus clairement ?
Oui, tout à fait. Le cinéma et les films, c’est ma plus grande passion. Ça a apporté de la magie à ma vie, ça m’a permis de m’échapper tout au long de mon existence. Je voulais faire un film qui était un vrai spectacle. Quelque chose qui vous transforme dès que vous le voyez. Je voulais créer une sorte d’énergie massive. Et en même temps, le film parle du côté obscur du spectacle. De la nature subversive de l’attention. Et pour approfondir, j’ai commencé à étudier notre addiction au spectacle. Les médias, les histoires, le spectacle sont de nature à nous changer, ce qui est plutôt une belle chose, mais ils peuvent aussi être dangereux si l’on dépend trop d’eux, en tant que société. C’est de toute évidence quelque chose que j’exploite ici, mais c’est dangereux d’être aussi accro au spectacle que nous le sommes aujourd’hui. Ça, ça fait partie de l’ADN du film.

En tant que réalisateur, avez-vous peur de l’omniprésence des images et de la lente disparition de l’expérience cinéma ?
L’écriture du scénario était sous-tendue par une idée constante et indéboulonnable : la défense de l’expérience de la salle. Je l’ai écrit au pire moment pour les salles de cinéma – du moins en Amérique. Je voulais faire quelque chose qui, une fois que le monde prendrait la voie de la guérison, pourrait encourager les gens à se souvenir de l’époque où on achetait un ticket, on s’enfermait dans l’obscurité et on était littéralement happé par une expérience qu’on ne soupçonnait pas. Effet maximum, cinéma maximum, savoir-faire maximum et passion maximum. Ça n’a jamais quitté mon esprit de toute l’écriture. Et ça m’a naturellement mené à m’interroger sur ce qui rend le spectacle si fascinant et pourquoi nous sommes totalement impuissants face à lui.

« L’écriture du scénario était dirigée par une idée constante et indéboulonnable : la défense de l’expérience de la salle. »

Le cheval au galop, capté par Eadweard Muybridge, et monté par un cavalier noir, est la toile de fond de NOPE. Ces images en mouvement ont été captées pour comprendre quand, pendant sa course, l’animal avait les quatre fers en l’air – ce que l’œil humain ne pouvait pas détecter. Le film de Muybridge est-il selon vous le premier money shot de l’Histoire ?
(Rires.) Oui ! Muybridge avait réussi à prendre en photo le mouvement du cheval et à mettre les photos dans un ordre séquentiel et créer l’image qui bouge et, comme vous le disiez, prouver que le cheval n’était pas un simple animal volant. (Rires.) La raison pour laquelle les films et l’industrie du spectacle sont si incontournables, qu’ils sont des piliers de nos vies, sur cette planète, aujourd’hui, c’est que la pellicule, la photographie, la science qui les sous-tend, combinées au storytelling, sont ce qui se rapproche le plus de la magie. C’est de la pure illusion, c’est spécial, et c’est pour ça qu’on ne cesse d’en explorer de nouveaux territoires. À un moment, NOPE évoque aussi l’effacement programmé du film de Muybridge. Le jockey, que l’on voit, est la première star, le premier cascadeur, le premier entraîneur animalier de l’Histoire du cinéma. On sait qui a pris les photos mais on ignore totalement qui il était, lui. L’histoire des films peut beaucoup se résumer à l’inclusion et l’exclusion, la représentation et l’effacement. À bien des égards, NOPE est, pour moi, une réponse au film de Muybridge.

O.J (Daniel Kaluuya) a une culture traditionnelle : il a un poster de BUCK AND THE PREACHER, un western avec Sidney Poitier et Harry Bellafonte, des vinyls, des CD. Sa sœur, Emerald (Keke Palmer), semble représenter un monde plus contemporain, notamment dans la mise en scène d’elle-même. NOPE essaie-t-il de réconcilier deux timelines, deux univers d’images, qui semblent être fâchés l’un envers l’autre aujourd’hui ?
O.J et Emerald sont deux facettes de moi-même, c’est le point de départ. Ils sont les premiers afro-américains dresseurs d’animaux travaillant pour Hollywood, ce qui est un statut qui n’existe pas en réalité. Je crée une mythologie des Haywood (le nom de famille de O.J et Emerald, ndlr) si vous préférez. Ils ont tous les deux leur relation au spectacle, chacun réagit à sa manière à tout ça. O.J n’a pas un grand besoin d’attention : dans son travail, il a un rôle secondaire. Tandis qu’Emerald, au contraire, a envie d’être en haut de l’affiche. Là-dessus, les deux sont donc en friction. J’ai la sensation qu’ils représentent comme deux factions qui, en nous, s’affrontent en duel en ce moment. Ils sont pris dans ce monde où on se sent tous à la fois reclus ou solitaire et forcés à s’impliquer ou du moins participer aux réseaux sociaux – et si on ne participe pas, on y rôde pour observer passivement. On veut tous faire partie de cette chose et, dans le même temps, on ne veut pas en faire partie. Je dirais donc que NOPE, c’est l’histoire d’un frère et d’une sœur et… de moi. (Rires.)

Il y a donc, dans le film, ce poster de BUCK AND THE PREACHER mais aussi celui de LA BATAILLE DE LA VALLÉE DU DIABLE de Ralph Nelson avec Sidney Poitier et James Garner. Le cinéma américain a peu raconté les histoires de cowboys noirs. NOPE est-il aussi une manière de créer de nouvelles images, comme vous l’aviez fait dans US ?
NOPE ne parle pas de questions raciales. Mais, comme dans US, ces questions finissent par se croiser avec le récit – il est nécessaire que ce soit le cas. C’est pour ça que je vous disais que NOPE était un peu une réponse au clip de Muybridge : c’est la représentation ultime. La plupart des cowboys dans ce pays étaient noirs. Ce n’est qu’à partir du moment où les cowboys sont devenus cools, où ils ont été idéalisés par le cinéma, où monter un cheval est devenu quelque chose de noble, qu’a consciemment eu lieu l’effacement des cow-boys noirs. NOPE n’est pas le seul film récent à mettre des personnes noires sur des chevaux. Mais je crois vraiment que NOPE va un peu plus loin sur le sujet, en reprenant la question Muybridge, car les deux personnages principaux sont liés à ce jockey originel et oublié que l’on voit dans le clip de Muybridge. Une partie de leur parcours est d’honorer l’héritage de cet homme, de réclamer l’iconographie du spectacle, de la magie du cinéma.

Le spectacle dans NOPE ne semble n’exister que si les personnages lèvent les yeux – un peu comme dans les fameux dolly shots chez Spielberg… C’est important pour vous de créer ces iconographies vers lesquelles lever le regard, de créer des images écrasantes ?
(Il réfléchit) Je ne réfléchissais pas en termes d’ampleur avant NOPE. Après GET OUT et US, j’ai eu davantage confiance en moi parce que j’ai acquis beaucoup de compétences. Mais au-delà de ça, j’ai surtout eu la sensation que j’avais une responsabilité en tant qu’artiste. Désormais j’ai ce qu’on appelle une ‘plateforme’, j’ai l’opportunité de réaliser de gros films. Et je peux les faire tels que je pense qu’ils doivent être faits. C’est un privilège que peu d’artistes ont. Je me dis que ce serait presque irresponsable de ne pas vouloir faire un film avec un F majuscule. Un film où je pourrais créer des images devant lesquelles les gens seront impressionnés – les mâchoires qui tombent, les yeux qui s’ouvrent en grand… Je peux le faire alors que les gens qui me ressemblent n’ont pas cette chance en général. Alors il faut que je le fasse ! C’est vraiment la première fois, avec NOPE, que je réfléchis de cette manière.

« La pellicule, la photographie, la science qui les sous-tend, combinées au storytelling, sont ce qui se rapproche le plus de la magie. »

Est-ce que le projet est presque parti de là, en le conceptualisant sur cette envie d’ampleur et d’images imposantes pour ensuite trouver les personnages et l’histoire qui s’accorderaient à cette ambition ?
Oui ! J’aime que mes films s’intéressent aux imperfections humaines. Des imperfections que je vois dans le monde ; qui sont les miennes, aussi – je ne suis pas au-dessus des autres. Des horreurs que j’observe dans le monde et que je ne vois pas nécessairement abordées par d’autres. Alors… la première chose que je me suis demandée pour mon nouveau projet a été exactement ça, en effet : ‘Allez, je vais y aller à fond, je vais faire un gros spectacle.’ Je me suis dit que, après GET OUT et US, peut-être, les gens seraient curieux de savoir ce que ça ferait, si je les asseyais dans une salle de cinéma avec un OVNI à l’écran. Cette expérience me semblait intéressante pour le public. À mesure que j’écrivais le script de NOPE, j’ai commencé à interroger cette notion : ‘Pourquoi la notion de spectacle s’impose-t-elle à nous ? Pourquoi la circulation ralentit quand on roule à côté d’un accident ? Pourquoi s’infliger ça ? Ça n’aide en rien les victimes.’ Il y a quelque chose dans notre ADN qui nous fait ouvrir une page Internet le matin, voir les pires images de notre vie. Après, on est censés continuer notre journée comme si de rien n’était. En fin de compte, ce spectacle général finit par être source d’une grande confusion. Il est en désaccord ou en décalage avec ce qui est réel. En lisant ‘La Société du spectacle’ (essai de Guy Debord publié en 1967, ndlr), j’ai beaucoup réfléchi à l’industrie du spectacle. En un sens, avec ce script, j’ai cherché à donner au public ce qu’il voulait, tout en interrogeant cette notion-même.

Vous produisez beaucoup de séries télé mais en tant que réalisateur, vous ne travaillez que pour le grand écran… Quelle est votre relation à l’addiction que peut créer le récit sériel d’un côté et au spectacle collectif que représente le cinéma de l’autre ?
J’ai une relation très intime avec les deux. (Rires.) Durant toute ma vie, ils ont été l’un comme l’autre un moyen de m’évader. Mais personnellement, je crois que les films ont quelque chose de magique qui les fera toujours triompher. Surtout quand il s’agit d’aller voir des films en salles. Il y a là l’idée de la durée, de l’effort consacré à quelque chose de concis, d’une histoire qu’on vous raconte du début à la fin. Et puis il y a quelque chose d’indéniable dans le concept-même de s’asseoir avec des inconnus qui sont dans le même état d’esprit que vous pour regarder quelque chose – que ce soit ample, triste, stupide, amusant – et réagir ensemble. C’est mystique ! Elle est là, mon église.

On connaît notamment le chef opérateur Hoyte Van Hoytema pour son travail sur l’IMAX avec Christopher Nolan. C’est pour ça que vous l’avez embauché ?
Je suis un grand fan de son travail et plusieurs réalisateurs m’en avaient dit le plus grand bien. Il était celui qu’il fallait pour capturer un film de cette magnitude. Pour moi, l’avoir sur le plateau était raccord avec l’aventure qu’était le film : j’avais un des meilleurs chefs opérateurs contemporains pour réussir ‘l’impossible’ – c’est comme ça que je voyais les choses. Avoir Hoyte dans son équipe, c’est comme s’offrir les services d’un sorcier. Déjà, c’est un ardent défenseur du tournage en pellicule et c’est l’une des premières décisions qu’on a prises. Au tout début, je lui ai dit : ‘J’ai envie que NOPE ressemble à 2001 !’ Alors il m’a rétorqué : ‘OK, on doit tourner en 65mm alors…’ (Rires.) Comme vous le savez, dans la matrice de ce projet, il y a l’idée et la thématique intrinsèques de plans physiques placés dans un ordre séquentiel (à travers le clip de Muybridge, ndlr). Ça aurait donc été un péché de tourner NOPE en numérique. Ça, c’était au tout début. À partir de là, Hoyte m’a éduqué à tout un tas de trucs et astuces – comme son boulot avec la [Ford] Edge, cette bagnole incroyable sur laquelle est montée une caméra gyro stabilisée. Tout le crédit revient à Hoyte : on a aussi opté pour une tactique de nuit américaine, pour laquelle il utilise des infra-rouges révolutionnaires qui créent une distance typique de la nuit absolument inédite au cinéma.

Vous parliez tout à l’heure de l’addiction au spectacle. Vous, en tant que réalisateur, êtes-vous accro au ‘plan parfait’, au money shot ?
Le plan parfait, pour moi, serait probablement une métaphore pour l’histoire parfaite. Parce qu’à mesure que les plans s’accumulent et prennent vie, je parviens à me libérer de ce besoin de faire de chacun d’eux un plan parfait. J’aimerais l’idée que personne ne puisse choisir dans un de mes films le plan parfait parce qu’ils seraient tous très bons ! Mais je préfère me libérer de cette angoisse. En revanche, j’ai envie d’offrir au public une expérience parfaite. C’est déjà assez effrayant et difficile. Parfois, le public sait ce qu’il veut connaître comme expérience et d’autres fois, il ne sait pas dans quoi il s’embarque. En tout cas, si un spectateur veut s’engager dans une aventure et ne jamais anticiper où ça va, je crois que NOPE est fait pour lui.

Photos : Copyright 2022 UNIVERSAL STUDIOS. All Rights Reserved.

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Sortie : 10.08.22
Réalisateur : Jordan Peele
Avec : Daniel Kaluuya, Keke Palmer, Steven Yeun, Michael Wincott
Pays : États-Unis
Durée : 2h10
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