TU NE MENTIRAS POINT
En 2003, dans l’inoubliable THE MAGDALENE SISTERS, Peter Mullan racontait l’horreur que furent les couvents de la Madeleine en Irlande, institutions dirigées par des bonnes sœurs où l’on enfermait les jeunes filles violées, mères hors du mariage ou trop libres, afin de leur faire expier leurs « péchés » – le plus souvent avec violence physique et psychologique à la clé. Mullan posait sa caméra à l’intérieur d’un couvent, adoptant le point de vue de trois jeunes femmes. TU NE MENTIRAS POINT opte, lui, pour un point de vue extérieur : celui de Bill Furlong, charbonnier d’une petite ville côtière, bourgade où l’église trône au centre de tout, de la géographie et de la vie des habitants qui craignent les nonnes et « leur bras long ». Au son des corbeaux, sous la grisaille et la pluie, Bill turbine, porte des sacs de charbon à travers tout le comté, taiseux et humble qu’il est, prêt à tout pour nourrir sa famille – sa femme et ses cinq filles, qu’il aime, admire et protège sans un mot. Bill n’est pas un expansif, mais un homme bien. Tout le monde le sait, tout le monde le dit. Sa femme trouve quand même qu’il est « trop sensible ». Bill, lors d’une livraison, voit une jeune fille forcée d’intégrer l’un des couvents de la Madeleine. Elle crie, supplie. Et Bill, alors frappé d’insomnies, d’entrer dans une profonde introspection. Rongé par des remords que toute une société réprime comme frappée d’ignorance, Bill va interroger son inaction, celle de sa famille et de ses voisins. De tout un pays broyé par la religion catholique. Une remise en question que TU NE MENTIRAS POINT dissèque avec un souci d’orfèvre, révélant le passé de Bill à coups de flashbacks précis comme des coups de poignard. Ce magnifique personnage qu’une multitude de cadres dans le cadre écrasants vient inlassablement emprisonner dans sa douleur et ses souvenirs, trouve en Cillian Murphy un parfait ambassadeur, lui qui n’a pas son pareil pour dépeindre et déconstruire, par ses choix de rôles, les clichés et névroses de la masculinité. Tout d’abord triste, puis en colère bien qu’il se retienne constamment d’exploser, Bill ose défier la loi du silence. Mais il le fait de la plus belle des manières : en agissant, sans grand discours ni confrontation chevaleresque avec son environnement. Juste parce que, isolé dans la foule par la caméra elle-même, il n’a d’autre choix que d’écouter sa conscience. Des personnages de cette trempe, nobles et élégants sans pour autant revêtir une armure simpliste de héros, sont rares. Interprétés avec autant d’humanité, de profondeur et de sentiment, encore plus.
Partagez cette chronique sur :

Réalisateur : Tim Mielants
Avec : Cillian Murphy, Emily Watson, Clara Dunne, Michelle Fairley
Pays : Irlande
Durée : 1h38