Cannes 2025 : RENOIR
RENOIR n’a guère à voir avec le peintre, pourtant le deuxième long de Chie Hayakawa porte parfaitement son titre. Quand, au cœur du deuxième acte, la jeune Fuki, 11 ans, achète une reproduction de « La Petite Irène » de Renoir, l’évidence frappe : tout comme le tableau du maître, le film de Hayakawa combine impressionnisme et réalisme pour tirer le portrait d’une enfant. Nous sommes au cœur des années 1980 et la petite fille passe un sale été : son père, hospitalisé pour un cancer, n’en a plus pour longtemps. Un diagnostic macabre que sa mère, distante et souvent absente, claironne tout fort au téléphone devant elle. Alors le temps de cet été où tout va changer, Fuki se cherche, erre, se fait une amie, découvre le monde et ses dangers. Tout comme elle l’avait fait dans PLAN 75, qui s’ouvrait sur un acte de violence indicible, Chie Hayakawa happe immédiatement son auditoire en débutant RENOIR par une tragédie qui… se révèle être une mise en scène. C’est ce territoire que décide d’arpenter la cinéaste, celui d’une enfance dont l’imagination, débordante, n’exclut jamais le morbide – RENOIR fait là écho au JARDIN D’ÉTÉ de Shinji Somai. Fuki n’est donc peut-être pas la narratrice la plus fiable mais RENOIR ne fraie pas pour autant avec la fantaisie ou l’onirisme : tout comme dans PLAN 75, la cinéaste fait preuve d’un réalisme auquel elle ne déroge qu’en de rares occasions, parfois terriblement froid et à distance, comme pour éviter de dramatiser ou glorifier cet âge à outrance. Un recul qui n’empêche pour autant jamais l’émotion – une seule coupe suffit à Hayakawa pour mettre en scène la douleur assourdissante, soudaine, de l’absence. Portée par la prestation incroyable de la jeune Yui Suzuki, la cinéaste capture une multitude de petites choses, ces purs gestes de l’enfance – mettre un stylo en équilibre entre le nez et la bouche, cligner d’un œil puis de l’autre pour altérer la position d’un objet, passer la main sur un grillage en marchant, jouer avec l’écho dans un tunnel. Mais Fuki doit grandir vite et, parfois sans s’en rendre compte, enregistre tout ce qui cloche autour d’elle – le patriarcat qui soumet autant sa mère au travail que celle de sa copine, au foyer ; ce deuil à venir auquel personne ne la prépare ; cette mort qui effraie tout le monde, qui pousse à infantiliser les malades ; les mensonges des adultes et leur impact sur les enfants ; sa propre incapacité à l’empathie. Aussi contemplatif que d’une précision incisive, RENOIR décrit simplement et honnêtement cet âge où, à chaque instant, se côtoient la naïveté et la cruauté. Où tout est encore possible, le meilleur comme le pire.
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Réalisateur : Chie Hayakawa
Avec : Yui Suzuki, Lily Franky, Hikari Ishida, Ayumu Nakajima
Pays : Japon
Durée : 2h