LOVE LIES BLEEDING
Lou (Kristen Stewart) tient la salle de sport de son père (Ed Harris), un trafiquant d’armes. Quand Jackie, une culturiste sans domicile fixe qui rêve de championnat et de Las Vegas, passe la porte, Lou a le coup de foudre. Elle lui offre un toit et tout plein de stéroïdes. En échange, Jackie éclate la tête d’un type que Lou a dans le collimateur, sans lui demander la permission, juste parce qu’elle a la force de le faire. Jackie maîtrise son corps, un peu moins ses instincts. Dans un monde où règne encore une grande confusion entre l’amour et la violence, Lou va devoir essayer de protéger Jackie, notamment d’elle-même. Dans LOVE LIES BLEEDING, les hommes sont des raclures, mais certains personnages féminins ne sont pas en reste. Leur idée du romantisme est franchement tordue et là-dedans, Rose Glass essaie de définir la sienne : un sentiment d’absolu, la promesse de garder la violence en dehors du couple et de la réserver aux tocards, aux malveillants et aux dangereux. Lou et Jackie, un couple de filles complètement punks et qui, par force ou par nihilisme, n’ont strictement peur de rien. Parce que le manifeste féministe est désarmant (« Ton corps, ton choix » entend-on comme un rappel au temple sacré qu’est le corps des femmes), l’ombre de THELMA ET LOUISE plane, bien sûr ; on y parle de féminicides, de mariages toxiques et de prise d’indépendance – « de se lever et de se casser » en gros. Car Rose Glass est une fille de son temps. Si elle recontextualise son récit à une période de machisme paroxystique – où même les films féministes étaient faits par des hommes –, c’est pour mieux rejouer l’Histoire et se réapproprier les codes. Au sérieux papal des thrillers des années 80 et 90 – dont la seule fantaisie résidait dans un homo-érotisme larvé –, elle oppose des images explicites de sexe lesbien et surtout des embardées, de plus en plus nombreuses au fil du film, vers le réalisme magique. Au désir de Jackie d’être surpuissante, Rose Glass répond avec les tropes super-héroïques – Katy O’Brian est la She-Hulk dont on rêvait – mais aussi avec la panoplie du body horror – le film est hyper cradingue. Voir une cinéaste britannique s’emparer autant de la pop culture américaine que de sa mythologie, sans qu’aucune règle ni aucun complexe ne la freine jamais, c’est un moment de cinéma rare et précieux. Ni par postmodernisme, ni par déférence ne pastiche-t-elle jamais les années 80. Bien sûr, il y a les choucroutes, les crop tops et les mulets et quelques chansons au synthé, mais le film préfère l’éternité de l’Americana – les diners, les pick ups, les fosses communes clandestines en plein désert. Mieux, LOVE LIES BLEEDING est le fossoyeur d’une décennie performative et superficielle. En faisant tomber le mur de Berlin alors que Jackie s’entraîne, Rose Glass célèbre les esprits rebelles.
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Réalisateur : Rose Glass
Avec : Kristen Stewart, Katy O’Brian, Ed Harris, Jena Malone, Dave Franco
Pays : Grande-Bretagne / États-Unis
Durée : 1h44