Cannes 2025 : LE ROI SOLEIL
« Et si ? ». Des jeux d’enfants aux rêves d’adultes, nos vies sont faites d’univers fantasmés et de routes alternatives, de détours dramatiques que l’on ferait prendre à nos existences si nous n’étions plus les mêmes. Voilà le nœud au centre du ROI SOLEIL : que feriez-vous si vous gagniez 293 millions d’euros au Loto ? Cette question, les protagonistes se la posent très abruptement lorsque, dans un bar, un vieux monsieur leur annonce avoir gagné le gros lot. Très vite, la situation déraille. « La question, c’est comment tout s’effondre ». Et Vincent Cardona d’y répondre sans se faire d’illusions : tout s’effondre très vite, sans préavis. Avec LE ROI SOLEIL, le cinéaste explore les histoires qu’on se raconte au quotidien. Au mieux pour tenir bon et traverser la vie ; au pire pour croire à notre bonté, à nos valeurs, à notre bon droit. À un futur possible. Un mécanisme qui prend vie à l’écran puisque le cinéaste filme les réalités alternatives qu’imaginent les personnages, les stratagèmes qu’ils échafaudent pour arranger la situation et, ils l’espèrent, s’en sortir. La mécanique est souvent maligne, elle crée même au départ un trouble intrigant et grisant, mais elle déraille aussi par moments : à force de « et si ? », LE ROI SOLEIL perd parfois en clarté et en efficacité, le récit cherchant trop à balayer toutes les possibilités tout en gardant à vue la complexité et la multiplicité de ses passionnantes thématiques – la société comme pyramide ; la différence entre le réel, le possible et le vraisemblable ; l’argent comme folie fiévreuse ; la loterie comme illusion de l’égalité ; raconter son histoire, est-ce mettre au silence celle des autres ? Pourtant, en dépit de ces quelques accrocs, impossible de décrocher le regard car c’est justement parce qu’il est théorique que LE ROI SOLEIL captive. La résolution de l’intrigue importe presque peu – on sait l’impossibilité d’une conclusion dans la joie et la bonne humeur. Ce qui prend au col, c’est l’ADN méta du ROI SOLEIL : cette sensation d’assister à un film qui sait et affirme qu’il est un film, qui le met parfois en scène en un geste complice avec le spectateur, sans que cela ait de réelle incidence sur le récit et ses anti-héros. Comme si Cardona et son public se faisaient manipulateurs démiurges, pour le bien de la démonstration. Ainsi, à force de regarder des personnages se raconter des histoires et se leurrer, assiste-t-on à la réification, par l’absurde et une certaine violence, de la puissance du storytelling en général et du cinéma en particulier. Car rien n’égale une bonne histoire, surtout pas la réalité.
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Réalisateur : Vincent Maël Cardona
Avec : Pio Marmaï, Sofiane Zermani, Lucie Zhang, Panayotis Pascot
Pays : France
Durée : 1h55