CONCLAVE
Lorsqu’un pape meurt, les cardinaux du monde entier se réunissent au Vatican pour élire l’un d’eux au pontificat. Tant qu’aucun candidat n’obtient la majorité, personne ne peut quitter les lieux. Autant dire un parfait sujet de cinéma et Edward Berger ne s’y trompe pas. Il ouvre CONCLAVE en capturant avec précision les rituels qui suivent le décès du souverain pontife – le retrait de sa bague, la commande d’un communiqué, le scellement de la porte de son appartement, l’évacuation de son corps. Le scrutin pour désigner un successeur n’a pas encore été organisé mais, comme l’attestent ces minutes introductives bizarrement tendues et les premiers thèmes de la musique (très réussie) de Volker Bertelmann, CONCLAVE affiche déjà fermement ses intentions de thriller. Et ce n’est que le début. Porté par l’écriture incisive de Peter Straughan (LA TAUPE), CONCLAVE va germer sur un postulat simple : et si l’Église était un lieu de travail comme les autres, les cardinaux aussi imparfaits, hypocrites, comploteurs, ambitieux et vindicatifs que le commun des mortels ? « Les plus dangereux sont ceux qui veulent être pape », assène même un des personnages. Dans ce contexte, bien que réticent à toute « chasse aux sorcières », le cardinal Lawrence se retrouve obligé d’enquêter sur la probité de plusieurs favoris potentiellement ripoux. Jamais ridicule bien que souvent drôle et très espiègle dans son emphase, CONCLAVE se révèle très satisfaisant à suivre, notamment parce qu’il met en scène de grands acteurs en pleine possession de leurs moyens – John Lithgow, Sergio Castellitto, Stanley Tucci et surtout Ralph Fiennes dans le rôle de Lawrence. Tous saisissent le potentiel théâtral de l’entreprise et l’embrassent. Si CONCLAVE semble dans un premier temps se faire le spectateur des luttes dévorantes de doctrines internes à l’Église (les progressistes contre les ultra-conservateurs) tout en abordant des débats philosophiques assez captivants (la foi est-elle affaire de certitude ?), il finit vite par se muer en peinture plus globale d’une époque, la nôtre, dévorée par un retour à l’ordre moral débilitant et un sentiment de rejet toujours plus fielleux de l’autre, de son identité et de ses croyances. Tenant avec fermeté son point de vue – la caméra reste braquée sur l’intérieur sans jamais lorgner sur la foule ou la presse au dehors –, Berger se sort même d’un dénouement hautement casse-gueule. Potentiellement grotesque, excessif et artificiellement écrit, il se révèle au final assez beau, à la fois dans son ironie et dans ce qu’il raconte de l’importance du progrès, même à marche forcée.
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Réalisateur : Edward Berger
Avec : Ralph Fiennes, Stanley Tucci, John Lithgow, Sergio Castellitto
Pays : États-Unis
Durée : 2h