CARLA & MOI

22/10/2024 - Par Aurélien Allin
Si l’on a déjà vu ce genre de comédie douce-amère dans la scène indé new-yorkaise, CARLA & MOI convainc par sa justesse et la prestation de Jason Schwartzman.

Depuis la mort de sa femme, Ben, chanteur dans une synagogue, a perdu sa voix. Dans son manteau trop grand pour lui, il balade son spleen dans les rues enneigées de sa bourgade déprimante du New Jersey, incapable de se lier à qui que ce soit, d’apprécier quoi que ce soit. De revenir ce garçon gentil, souriant et heureux de vivre qu’il était. Sa mère désespère de le voir un jour recasé. Et lui végète dans des cours où il prépare des jeunes à leur bar-mitsvah, jusqu’à ce qu’une ancienne de ses professeures de lycée lui demande de la former à sa bat-mitsvah, qu’elle fait à un âge bien tardif… « Dans le judaïsme, il n’y a ni paradis ni enfer, juste le nord de New York » : des répliques tordantes comme celle-là ne sont pas nécessairement légion dans CARLA & MOI, mais le nouveau film de Nathan Silver vit pourtant bien de cet humour juif new-yorkais pince sans rire, prolixe en sagesse ironique, voire sardonique, sur l’existence, le malheur, le deuil et les relations humaines. Un cinéma à mi-chemin entre le mumblecore et le cinéma vérité des 70’s, où le beau grain organique du 16mm trouve parfait soutien dans une caméra portée très vivante qui suit les personnages dans un élan naturaliste imposant immédiatement leur véracité. Entre belles idées de mise en scène (un portrait souriant de Ben accroché à côté d’un miroir où il se regarde, atterré par ce qu’il voit), situations rigolotes et moments absurdes (une scène de défonce où images et sons s’accélèrent), CARLA & MOI fait tout ce qu’il faut pour propulser le spectateur dans les pompes de son héros qui, au contact d’une quinqua excentrique, s’éveille à nouveau à la vie. L’écriture manque parfois un peu de tenue et part un peu dans tous les sens (pourquoi Carla disparaît-elle aussi longtemps au profit de Gabby, autre potentiele amoureuse de Ben ?), mais parvient souvent à se rattraper et à prouver sa justesse, comme dans cette longue scène de dîner de shabbat où tout s’effrite pour laisser exploser l’hystérie des sentiments, de la colère à la rancœur. Mais surtout, CARLA & MOI vit et vibre de son personnage principal : Ben serait terriblement agaçant s’il n’était pas si touchant. Habitué à incarner ces garçons sensibles impossibles à ignorer – de RUSHMORE à ASTEROID CITY –, Jason Schwartzman porte tout le film. Son élégance, même lorsque Ben touche le fond, rappelle que les plus grandes prestations sont rarement les plus démonstratives.

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Sortie : 22.10.24
Réalisateur : Nathan Silver
Avec : Jason Schwartzman, Carol Kane, Dolly de Leon, Madeline Weinstein
Pays : États-Unis
Durée : 1h51
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