Cannes 2025 : URCHIN

17/05/2025 - Par Emmanuelle Spadacenta
Harris Dickinson n’a que 28 ans et déjà, il réalise son premier long-métrage avec cette fougue de la jeunesse qui fait tout son sel.

Il a été dirigé par Danny Boyle (TRUST), Steve McQueen (BLITZ) et Charlotte Regan pour son premier film SCRAPPER, pour un panorama assez étendu de ce dont le cinéma britannique est capable. Alors même si URCHIN démarre comme un portrait social et réaliste d’un jeune junkie sans abri, il ne faut pas longtemps pour que ce qui semble filmé à ras du bitume, avec des plans volés dans la foule londonienne ne décolle vers un voyage plus spirituel. Au risque que le film paraisse hétérogène, c’est vrai, mais le pari finit par payer, car URCHIN a beaucoup de personnalité. Plus sentimental qu’un TRAINSPOTTING, plus narratif et concret qu’un BEACH RATS, ce film d’Eliza Hittman qui a sorti Harris Dickinson, l’acteur, de l’ombre, URCHIN possède une forte identité anglaise – dans tout le parcours judiciaire de son héros notamment – mais tire un portrait des marginaux et des précaires très universel. Frank Dillane incarne Mike, garçon qui vit dans la rue, dans la pauvreté et la violence. Le jour où il agresse un homme pourtant bienveillant à son égard, il finit en prison. Sa réinsertion, prise en charge par les services sociaux, passera par une désintoxication, une place transitoire dans un foyer, un boulot de commis dans un hôtel miteux, des cassettes de méditation et une justice restaurative – il devra rencontrer sa victime. Un personnage retors, de tous les plans du film, qui nous guide dans le difficile – si ce n’est impossible – retour au collectif d’un solitaire. En regard de son malheureux sort, celui de Nathan, joué par Harris Dickinson, propose un autre point de vue sur l’existence chaotique d’un jeune junkie qui, lui, a échappé au parcours carcéral et tire un cuisant constat d’échec social. De ce sujet très brutal, jamais Dickinson ne cherche le misérabilisme mais il prend le risque de créer de l’affection puis très vite du désamour entre Mike et le public. Lui ne juge jamais son héros quand il est beaucoup plus difficile pour nous d’ignorer tout ce gâchis. Il utilise la gueule d’ange de Frank Dillane à double sens : celle d’un gentil garçon et celle d’un traître. Dans ce film de contrastes, l’image la plus âpre côtoie le lyrisme de scènes de danse, filmées au ralenti, festives (sur Atomic Kitten) ou tragiques (sur Jeanne Mas), et le mysticisme d’échappées spirituelles depuis la bonde d’un bac de douche jusqu’à une caverne symbolique. On ne saurait pas trop étayer d’exemples l’impression tenace que Zal Batmanglij et Brit Marling (THE OA), pour qui il a tourné UN MEURTRE AU BOUT DU MONDE, ont marqué Dickinson mais dans ce courage à frôler le mauvais goût, sans jamais s’y vautrer, et dans cette volonté d’assumer l’émotion au mépris du cynisme, il y a une grande modernité qui fait plaisir à voir.

Partagez cette chronique sur :
Sortie : Prochainement
Réalisateur : Harris Dickinson
Avec : Frank Dillane, Harris Dickinson, Megan Northam, Shonagh Marie
Pays : Grande-Bretagne
Durée : 1h30
Partagez cette chronique sur :

Découvrez nos abonnements

En formule 1 an ou en formule 6 mois, recevez Cinemateaser chez vous !