Cannes 2025 : THE CHRONOLOGY OF WATER

18/05/2025 - Par Emmanuelle Spadacenta
Le premier long-métrage de Kristen Stewart est à son image : intense. Mais de sa forme quasi-expérimentale à son profond désespoir, c’est un film qui ne laisse pas indifférent.

Elle dit de THE CHRONOLOGY OF WATER qu’il est moins un film qu’un poème et elle n’a pas tort : pour son premier long-métrage, Kristen Stewart opte pour une forme scandée, des scènes pour la plupart très courtes, parfois de très gros plans, agencés pour créer de la sensation, du sentiment et de l’émotion, peu importe les triviales expositions et la sacrosainte géographie des lieux. Le spectateur est un peu perdu, sonné, et c’est très bien comme ça. En voix off, son actrice Imogen Poots raconte, mais toujours dans une forme orale brute, rythmée et des mots élusifs, une enfance meurtrie par un père incestueux et cruel et une mère passive. Ses échappées belles grâce à la natation dont elle est championne, la possibilité de la fuite grâce à une bourse universitaire, le passé qui rattrape, l’alcool, la drogue, la littérature comme ultime sauvetage – la lecture, l’écriture, presqu’impudique – et qui sait, peut-être l’amour. Imogen Poots, dans ce qui pourrait être son rôle le plus exigeant à ce jour, porte cette frénésie d’émotions, dans une performance elle aussi à fleur de peau, chaotique, violente, emportée, où rien ne lui est épargné dans une mise à nu physique, cérébrale et sentimentale permanente. Le film est noir, morose au mieux, radicalement plombant au pire, fatigant car il demande au spectateur d’être ultra réceptif aux stimuli – le travail sur le son est d’une agressivité difficilement tolérable parfois et c’est le but. L’expérience reste gratifiante : ce que propose Kristen Stewart, en plus d’être peu commun, est franchement bouleversant. Là où la forme longue (on est sur une durée assez costaude, voire un peu complaisante, de 2h08) ne tolère qu’un temps le montage cut et la narration brusque, la réalisatrice se permet un rythme impermanent, sans jamais céder au storytelling traditionnel, allant au bout de son projet et de sa démarche. C’est un collage, d’idées visuelles, de tons, où chaque rupture sert à la violence de ce qui est raconté. À l’image de Kristen Stewart, THE CHRONOLOGY OF WATER ne fait aucune concession, n’a aucun filtre et jette ses idées sur l’écran comme la réalisatrice assume un phrasé brut, une présence coup de poing et une passion un peu envahissante. On adhère ou pas à cet élan romanesque et romantique quasi-adolescent. C’est en tout cas rare et précieux de voir une artiste faire toujours le choix de la radicalité, plutôt que celui du mainstream auquel elle fut un temps destinée.

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Sortie : Prochainement
Réalisateur : Kristen Stewart
Avec : Imogen Poots, Thora Birch, Charlie Carrick, James Belushi
Pays : États-Unis
Durée : 2h08
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