Cannes 2025 : PILLION

18/05/2025 - Par Aurélien Allin
Le premier long-métrage de Harry Lighton brille par son écriture humaine, précise et surprenante. Et d’incroyables acteurs. Bien plus qu’un « film de bikers gay SM ».

Un film débute avant sa première image et Harry Lighton l’a bien compris : alors qu’à l’écran se succèdent divers logos sur fond noir, un bruit sourd de moteur se fait entendre au loin. Puis de plus en plus aigu, de plus en plus clair, tangible. Un détail ? Peut-être. Reste que cette « mise au point sonore » qui, peu à peu précise l’indéfini, retranscrit à merveille l’expérience de cinéma qu’est PILLION. Annoncé comme un « film de bikers gay SM », le premier long de Lighton peut avoir l’air de sentir le soufre. Peut-être même cherche-t-il à choquer le bourgeois ? Absolument pas. On ne pourrait même pas être plus éloigné de sa nature profonde. Colin (Harry Melling) se sent seul. Ce garçon effacé qui, tous les jours, reçoit sans broncher les insultes de quidams qu’il verbalise dans les parkings, vit encore chez ses parents. Des gens adorables, cols bleus typiques des zones périurbaines anglaises, qui, loin des clichés, n’ont aucune espèce de ressentiment à l’égard de son homosexualité. Sa mère lui présente même des hommes au pub du coin où il participe à des chorales surannées pour Noël. Et c’est là qu’il tombe sur Ray (Alexander Skarsgård), biker tout de cuir vêtu qui, avec ses potes bikers tout de cuir vêtus, bouffe des chips au vinaigre en jouant aux fléchettes comme un bonhomme qu’il est. À la surprise de Colin, Ray lui file rencard. Là débute une relation où Ray domine Colin, lui ordonne de se soumettre, en fait sa boniche devant satisfaire tous ses besoins. Que peut bien trouver Colin à ce quotidien sans tendresse ni complicité, fait de distance et d’humiliations – « Achète un plug anal, t’es trop serré », lance Ray à Colin –, où le rottweiler de Ray possède plus de privilèges que lui ? Là se déclenche la machine à empathie qu’est PILLION, où le spectateur voyage main dans la main avec Colin, porté par sa dévotion pour Ray, par son élan d’émancipation, par son humour un peu branque – « Sounds like a plan », répond-il à la requête du plug anal – et par les prestations de Melling et Skarsgård, incroyables d’humanité, unis par une alchimie imparable. Toujours surprenant, le récit enchaîne les bifurcations, déjoue les attentes, s’amuse des schémas programmatiques de la romcom, comme un antidote aux étiquettes. Et Lighton de tout se permettre, des scènes érotiques les plus frontales aux moments les plus délicats et mélancoliques. Le parcours de Colin et Ray est semé d’embûches mais scène après scène, leur cœur intérieur se fait plus clair. Ce qui semblait a priori une association un peu grossière propice aux excès faciles de p’tit malin révèle des trésors d’émotions et de complexité.

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Sortie : Prochainement
Réalisateur : Harry Lighton
Avec : Harry Melling, Alexander Skarsgård, Lesley Sharp, Douglas Hodge
Pays : Grande-Bretagne
Durée : 1h44
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