Cannes 2025 : L’ENGLOUTIE

15/05/2025 - Par Perrine Quennesson
Influencée par son travail de documentariste, Louise Hémon fait surgir le sensuel et l’étrange dans une chronique pastorale et montagnarde de la toute fin du XIXe siècle.

En 1899, au fin fond des Alpes, par une nuit agitée, Aimée, une jeune institutrice républicaine, débarque dans un petit village isolé par la hauteur et par la neige. Elle vient y passer l’hiver pour enseigner aux quelques enfants présents les rudiments de la lecture, de la géographie et du français. Grâce à sa caméra observatrice et un éclairage à la bougie superbe (tout comme la photo de la cheffe opératrice Marine Atlan), Louise Hémon nous embarque dans une chronique d’une autre époque. À l’instar du récent VERMIGLIO de l’Italienne Maura Delpero, elle prend le temps de dépeindre un lieu, des habitudes, un rythme de vie avec une précision quasi-documentaire. Aux côtés d’Aimée, à qui Galatea Bellugi prête ses grands yeux étonnés, on découvre un autre monde, en vase clos, à la fois replié sur lui-même et riche de sa culture vernaculaire qui fait la part belle à l’oralité. En tant qu’étrangère à ce microcosme, Aimée est aussi suspecte que source de curiosité, et c’est réciproque. De ce choc des cultures naît un désir, ce même désir qui ne semble pas avoir sa place dans ce monde empreint de superstitions et où toutes les générations se rassemblent. L’arrivée d’Aimée agit comme un agent de démixtion fragilisant l’équilibre ténu de cette micro-société qui commence à s’effriter quand une avalanche engloutit un premier montagnard. Succube dangereuse aux traits innocents ou simple jeune femme des villes venue éduquer les champs, le film ne cesse de jouer sur cette ligne aussi fascinante que troublante, allant chatouiller notre imaginaire fantastique. Mais L’ENGLOUTIE est cependant très puissant sur ce qu’il raconte du désir d’uniformisation des sociétés et du danger que cela représente. Nous sommes à l’aube du XXe siècle, l’exode rural commence à battre son plein et le film raconte comment le particularisme n’a plus sa place dans cette société nouvelle et modernisée, où doit s’imposer la culture dominante au détriment d’une épistémé locale considérée comme arriérée. Un concept d’écrasement que le film étend de manière subtile à différentes échelles, qu’il se pratique au sein d’un même territoire, ou d’un pays sur un autre.

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Sortie : Prochainement
Réalisateur : Louise Hémon
Avec : Galatea Bellugi, Matthieu Lucci, Samuel Kircher, Sharif Andoura
Pays : France
Durée : 1h38
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