Cannes 2025 : EXIT 8
Dans son premier film N’OUBLIE PAS LES FLEURS, Genki Kawamura racontait comment un fils faisait face à la maladie d’Alzheimer de sa mère, avec sous-tendue, une question : comment imaginer son futur quand, au présent, le passé s’efface ? Dans son deuxième long de réalisateur il porte à l’écran le jeu vidéo « Exit 8 » pour un thriller fantastique et horrifique, mais cette question demeure. Les notions d’effacement et de boucle – rappelant l’aliénation de l’esprit dans les démences – sont en effet centrales dans EXIT 8. Un matin à l’heure de pointe, un homme sort de sa rame de métro et se dirige vers la sortie. Qu’il ne trouve pas. Il erre dans des couloirs vides qui semblent répéter les mêmes motifs. Il remarque alors des indications au mur : « Ne négligez aucune anomalie. Si vous trouvez une anomalie, faites demi-tour sans attendre. Si vous ne trouvez pas d’anomalie, ne faites pas demi-tour. Sortez par la sortie 8. » Genki Kawamura ouvre EXIT 8 avec une musique fort-à-propos, le « Boléro » de Ravel, morceau tout en juxtaposition et superposition de motifs récurrents aux subtiles variations instrumentales qui ne cesse de gagner en intensité. Un choix ô combien pertinent qui illustre la malice du film, exercice de mise en scène qui surmonte tous les écueils inhérents à son postulat. Jamais redondant, EXIT 8 multiplie les partis-pris forts : il débute en vision subjective et plan-séquence, rappelant la mécanique du jeu mais, conscient du potentiel de gimmick de ce dispositif, transitionne rapidement vers un point de vue classique à la troisième personne. Une bascule qui crée, à l’écran, une émotion esthétique : du jeu vidéo, EXIT 8 passe au cinéma, geste de réappropriation du cinéaste particulièrement exaltant. Puis, de saillies horrifiques dérangeantes – des sourires désincarnés, des voix robotiques, des hurlements de nourrissons, des silhouettes immobiles menaçantes – en idées oppressantes – le héros est asthmatique et peine à respirer –, de rebondissements surprenants en plans impossibles virtuoses, EXIT 8 relance perpétuellement son intérêt. Sans doute le personnage parle-t-il trop, scandant ce qu’il voit à l’écran en quête d’anomalies : là, Kawamura s’impose une mission de clarté inutile car EXIT 8 est si engageant pour le spectateur que celui-ci « joue » avec le protagoniste, guettant à l’image chaque élément changeant. Ainsi, EXIT 8 rebascule là du cinéma au jeu vidéo, d’une expérience passive à une active, sans pour autant perdre de vue le romanesque de la fiction. C’est peut-être le plus surprenant : une dramaturgie au-delà du jeu se fait jour, les dédales du métro comme symbole à la fois du cauchemar urbain quotidien que des décisions que chacun prend à chaque seconde de son existence. S’il trouve la sortie 8, quel futur se choisira ce jeune homme ? Et Genki Kawamura de parvenir alors à infuser une réelle émotion, jusque dans son ultime plan.
Partagez cette chronique sur :

Réalisateur : Genki Kawamura
Avec : Kazunari Ninomiya, Yamato Kochi, Naru Asanuma, Kotone Hanase
Pays : Japon
Durée : 1h35