Cannes 2024 : THE VILLAGE NEXT TO PARADISE

21/05/2024 - Par Perrine Quennesson
Avec son premier long métrage, le Somalien Mo Harawe impressionne immédiatement par l’amplitude de sa narration et une mise en scène subtile et émotionnellement dévastatrice.

Très identifié dans le monde du court métrage, récompensé notamment à Clermont-Ferrand avec WILL MY PARENTS COME TO SEE ME ?, Mo Harawe était très attendu pour son passage au long métrage. Et il ne déçoit pas. Il nous plonge dans un petit village perdu dans le désert somalien où vit Mamargade, un père célibataire, son fils de même pas 10 ans Cigaal et sa soeur, Araweelo. Ensemble, ils forment une famille recomposée, repensée, où chacun tente de trouver sa place, au sein du trio, mais aussi dans la société somalienne. Mamargade cumule les petits boulots tandis qu’Araweelo cherche à s’émanciper en montant sa propre boutique. Le film débute sur une séquence de journal télévisé relatant un bombardement par drone américain en Somalie. C’est à peu près tout ce que nous aurons du contexte, qui n’apparaît par ailleurs que par d’infimes touches dans le reste du long métrage, notamment dans une séquence de trafic d’armes livrées à des terroristes. Mo Harawe, qui a fui le pays en 2009 pour se réfugier en Autriche, ne cherche pas à s’appesantir sur le sujet mais semble tenir à nous montrer les limites et les contraintes dans lesquelles évoluent ses trois protagonistes devenus symboles d’un peuple écartelé entre nécessité, terreur et désirs personnels. Il y a quelque chose du VIVRE ! de Zhang Yimou dans THE VILLAGE NEXT TO PARADISE dans sa manière d’explorer un temps et un environnement donnés en regardant ses personnages droit dans les yeux. Le réalisateur déploie sa tragédie comme l’exploration de trois chemins possibles, trois destins qui se côtoient, se soutiennent et s’apprivoisent. La beauté du film, au-delà de l’image elle-même, sublime, à la fois naturaliste et forte en contrastes, réside dans la manière que le cinéaste a de traiter avec le même intérêt et la même tendresse chacun de ses trois personnages, qu’importe leur âge, leur sexe ou leur parcours. Qu’il les isole dans le plan, les filme en duo ou en trio, chacun a sa partition à jouer dans cette symphonie collective qui valorise l’individu et ses choix, bons ou mauvais. Mais au-delà des différentes quêtes qui animent Mamargade, Araweelo et Cigaal, qu’elles soient de survie, d’indépendance ou d’amour, THE VILLAGE NEXT TO PARADISE n’est jamais aussi bouleversant que lorsqu’il ausculte les liens familiaux et les drames intérieurs de ses trois héros. Mo Harawe n’est pas pressé (le film dure 2h12) mais il nous donne surtout le temps pour le partager avec cette famille que l’on peine à quitter. 

Partagez cette chronique sur :
Sortie : Prochainement
Réalisateur : Mo Harawe
Avec : Canab Axmed Ibraahin, Axmed Cali Faarax, Cigaal Maxamuud Saleebaan
Pays : Somalie
Durée : 2h14
Partagez cette chronique sur :

Découvrez nos abonnements

En formule 1 an ou en formule 6 mois, recevez Cinemateaser chez vous !