Cannes 2024 : LES LINCEULS

21/05/2024 - Par Perrine Quennesson
Deux ans après le testamentaire, imparfait mais passionnant LES CRIMES DU FUTUR, David Cronenberg plonge dans les abysses du deuil. Et, visiblement, il s’est noyé.

« Jusqu’où êtes-vous prêt à aller dans la noirceur ? » C’est ce que demande Karsh, un producteur de vidéo industrielle / propriétaire de restaurant / inventeur dans le domaine des pompes funèbres, à son blind date lors de leur premier rendez-vous. Dans cette scène qui ouvre presque le film – et sûrement la meilleure par sa drôlerie, son désespoir et sa vulnérabilité –, David Cronenberg balance tous ses enjeux. Il nous présente Karsh, donc, un ersatz à peine déguisé du cinéaste incarné par Vincent Cassel, la coupe pompadour plus sel que poivre, un homme rongé par la perte de sa femme quatre ans plus tôt d’un terrible cancer. Inconsolable, il a inventé un moyen de rester au plus près de cette épouse adorée : les linceuls. Ces draps qui entourent les corps des morts sont dotés de milliers de caméras qui permettent de regarder, sur la tombe ou directement sur son portable, le travail du temps et de la décomposition sur l’être aimé. Morbide, à la poésie romantique chevillée à chaque scène, LES LINCEULS explore le deuil sans fin de son auteur qui a lui-même perdu son épouse il y a 7 ans. Et en ça, il est touchant. Parfois excessif et ringard. Voire carrément « mascu » quand il explique qu’il ne supporte pas l’idée qu’un autre ait pu toucher le corps de sa femme avant lui. Mais la compassion a ses limites. Ce vingt-troisième film du réalisateur canadien ressemble à un sketch, à une parodie du cinéma de Cronenberg. Une version générée par une IA ricanante d’une compile de l’artiste où l’on croiserait des morceaux d’EXISTENZ, de CRASH ou de FAUX SEMBLANTS sans en comprendre ou en extirper la moindre substantifique moelle. D’une rigidité cadavérique, froid comme la mort, LES LINCEULS, enfermé dans des couches de techs ruineuses qui donnent l’impression de se balader dans un Apple Store glauque, n’invite jamais vraiment le spectateur à partager la peine, que l’on devine immense, de son personnage. Il lui préfère le déni, le même que Karsh qui pense que la solution à son abîme de douleur est la porte de sortie technologique ou le divertissement conspirationniste. Mais, même cela il ne le tient pas, Cronenberg préférant écraser son film sous des tartines de dialogues à n’en plus finir, un jeu aléatoire et souvent faux. On finit par se demander si ce n’est pas tout simplement une blague. Mais vu le nombre de Tesla et de MacBook à la minute, c’est une blague qui coûte cher. 

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Sortie : 25/09/24
Réalisateur : David Cronenberg
Avec : Vincent Cassel, Diane Kruger, Guy Pearce
Pays : Canada
Durée : 1h56
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