Cannes 2024 : ANZU, CHAT-FANTÔME
ANZU, CHAT-FANTÔME de Yoko Kuno et Nobuhiro Yamashita est un peu le film de toutes les raretés. Les coproductions entre le Japon et la France ? C’est simple, ça n’existe pas. D’abord parce qu’il n’y a pas d’accord pré-établi mais aussi en raison de cultures de production très différentes et d’une certaine autarcie dans l’industrie japonaise, notamment en matière d’animation. Pour ce long métrage ce sont ainsi deux grandes sociétés qui ont trouvé un terrain d’entente, Miyu Productions (LINDA VEUT DU POULET!) et Shin-Ei Animation (la saga des DORAEMON). La rotoscopie ? Ce procédé qui consiste à relever image par image les contours d’une figure filmée en prise de vues réelle pour en transcrire la forme et les actions en animation n’est pas le plus populaire, ni le plus simple à réaliser. Il est au cœur d’ANZU, qui compte ainsi à sa réalisation, chose rare, un cinéaste de live action Nobuhiro Yamashita et une animatrice, Yoko Kuno. Enfin le manga, lui-même, n’est pas le plus identifié de la carrière de son auteur, Takashi Imashiro, plus connu pour sa saga sur Fukushima, « Colère Nucléaire ». Mais c’est aussi cet assemblage de curiosités qui donne à ANZU, CHAT-FANTÔME sa singularité dans le paysage de l’animé. Le film suit Karin, 11 ans, orpheline de mère et un peu retorse, abandonnée chez son grand-père par un papa peu fiable. Moine d’une petite ville japonaise, ce papi tout juste rencontré confie la surveillance de la jeune fille à Anzu, son chat-fantôme, un yōkai serviable, drôle, mais un peu capricieux. Malgré une trame de buddy movie un peu convenue autour d’une adolescente en mal de parents qui cherche à faire son deuil, le film l’emporte par la créativité et la beauté de son animation. Grâce à la rotoscopie, le long métrage déploie une fluidité des mouvements de caméra et un naturel dans les gestes et les attitudes des personnages qui apporte une perméabilité troublante entre animation et prise de vues réelle. Coloré, ensoleillé, chaleureux et rythmé : ANZU combine les caractéristiques de l’animé traditionnel, où l’expression des sentiments est exagérée, à la beauté d’un décor qui oscille entre l’estampe japonaise et l’ultra-réalisme teinté de pastels. Sous ses airs de récit initiatique, le long métrage est aussi une sympathique exploration du folklore japonais allant des yōkai aux Enfers en passant par la relation aux défunts. Mais la vraie star du film, il faut bien le reconnaître, est celui qui lui donne son titre : Anzu, le chat fantôme. Grand et gros matou roux à la bonhommie craquante, l’animal-esprit fait le show entre humour potache, délinquance tranquille et caractère cyclothymique. Un chat, en somme.
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Réalisateur : Yoko Kuno et Nobuhiro Yamashita
Pays : Japon / France
Durée : 1h30