Cannes 2024 : ALL WE IMAGINE AS LIGHT
Cette première entrée indienne en compétition cannoise depuis 30 ans vient casser la dynamique performative des films projetés jusqu’à présent. Se dégagent, d’une approche d’abord très documentaire, une délicatesse et une assurance du film de Payal Kapadia qui séduisent, mais dérivant rapidement vers un ton plus contemplatif, ALL WE IMAGINE AS LIGHT peut aussi laisser au bord de la route. Cette chronique de la vie de trois infirmières part de Mumbai – un portrait urbain aux antipodes de la photographie grouillante et bruyante généralement acceptée – qu’elles voient, avec ses grandes tours, comme un royaume phallocrate, pour se déplacer dans une station balnéaire où ces femmes, loin des regards, peuvent assouvir quelque chose de leur solitude et de leur désir et, le temps d’un séjour introspectif, s’éloigner des luttes sociales qui gangrènent leur quotidien, elles qui depuis l’hôpital en sont les premières témoins. Par la manière douce, Payal Kapadia impose des images politiques – une scène de sexe en pleine nature entre deux jeunes hors mariage dans un pays où l’intimité dans l’espace public est réglementé – et flirte avec le réalisme magique. La réalisatrice fait décoller le cinéma d’auteur indien vers une spiritualité très poétique, un féminin, affrontant sans en avoir l’air cette société patriarcale. Toutefois l’alchimie du trio peine à pallier un jeu minimaliste et un rythme artificiellement délayé. Bien que le film semble vouloir refléter le manque cruel de romantisme qui afflige l’Inde, il parvient difficilement à nous embarquer, peut-être parce qu’on a vite compris le programme qu’il déroule, aussi louable et engagé soit-il.
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Réalisateur : Payal Kapadia
Avec : Kani Kusruti, Divya Prabha, Chhaya Kadam
Pays : Inde
Durée : 1h54