BETTER MAN

22/01/2025 - Par Emmanuelle Spadacenta
L’idée était bizarre de vouloir faire jouer Robbie Williams par un singe mais cela a du sens et du style. BETTER MAN est sûrement le pari le plus risqué et le plus réussi de ce début d’année.

Parce qu’il se considérait comme le petit singe de Take That, parce qu’il a longtemps eu une piètre opinion de ses manières mal dégrossies, Robbie Williams a adhéré à l’idée de son réalisateur Michael Gracey, d’être joué, dans son biopic, par un chimpanzé. Numérique, bien sûr. Animé par WETA, la société d’effets spéciaux néozélandaise qui s’est chargée de Gollum dans LE SEIGNEUR DES ANNEAUX ou César dans la trilogie LA PLANÈTE DES SINGES, donc bien animé. Robbie Williams a grandi dans cette Angleterre ouvrière (Stock-on-Trent, 250000 habitants et des mines de charbon) qu’on voit plutôt chez Ken Loach que dans une comédie musicale réalisée par un ancien pubard. Car cet ancien pubard a compris qu’un singe qui prendrait tout l’écran, dans une Angleterre sordide des années 90 où la mode et la musique étaient un outrage au bon goût, c’était garantir que le spectateur n’aurait d’yeux que pour lui. Ce singe, c’est une star, à la fois fascinante et pathétique à espérer de l’amour et de la reconnaissance en s’agitant sur une scène, parfois à moitié à poil. Et ça questionne forcément notre rapport aux idoles, surtout celles qui n’ont d’autres talents que d’être des performers. Si Michael Gracey tient pour référence le réalisateur et chorégraphe Bob Fosse (CABARET, QUE LE SPECTACLE COMMENCE), c’est que révéler l’envers du show-business de l’époque l’intéresse plus que de glamouriser la vie de Robbie Williams. On tient donc autant une scène musicale électrisante, foisonnante, typique de Broadway, sur Regent Street avec « Rock DJ » – tournée en plan séquence in situ – qu’une autre dantesque, cauchermardesque, sur « Come Undone », deux morceaux de bravoure inoubliables. Raconté par la voix off de Robbie Williams – la plupart du temps des extraits des interviews menées par Michael Gracey chez la star et non une performance jouée –, BETTER MAN est une entreprise de transparence assez rare, qui n’est toutefois pas sans rappeler celle d’un autre grand chanteur britannique, Elton John dans ROCKETMAN. Il ne s’agit pas d’un « rise and fall » qui agencerait scrupuleusement les phases de la vie, selon la célébrité et la disgrâce : plus Robbie Williams a tout pour être heureux, plus son entreprise d’autodestruction s’intensifie, illustrée par des dizaines de clones qui veulent sa peau. Le psychodrame musical se mâtine ainsi de visions d’horreur. Mais BETTER MAN n’est pas un film malsain. Son héros, dont l’humour est bien sûr la politesse de son désespoir, sait commenter sa vie, la Brit Pop et l’époque avec recul et autodérision. Son regard sur sa relation avec son rival Gary Barlow et sa manière de traiter tout le monde de trou du cul étant le clou du spectacle.

Partagez cette chronique sur :
Sortie : 22.01.25
Réalisateur : Michael Gracey
Avec : Jonno Davies, Damon Herriman, Steve Pemberton, la voix de Robbie Williams
Pays : Grande-Bretagne
Durée : 2h15
Partagez cette chronique sur :

Découvrez nos abonnements

En formule 1 an ou en formule 6 mois, recevez Cinemateaser chez vous !