FRANKENSTEIN
La filmographie de Guillermo del Toro plaide pour lui : grand observateur et amoureux des monstres, le cinéaste mexicain ne pouvait qu’un jour croiser la route du plus célèbre et du plus tragique d’entre eux, la créature du Dr Frankenstein. Le mieux est parfois l’ennemi du bien dit l’adage et ce FRANKENSTEIN en est un exemple parfait tant tout, dans cette adaptation se voulant fidèle au roman de Mary Shelley, semble bien sagement à sa place. Non pas que del Toro rate entièrement son pari, loin de là : l’introduction, sur la banquise, laisse même augurer le meilleur tant elle se révèle efficace, avec son dosage parfait de mystère et de spectacle, sa suggestion évocatrice du monstre et son sens aigu de l’imagerie. Mais très rapidement, le cinéaste, comme anesthésié par ce rêve de film qu’il porte depuis si longtemps, tombe inexorablement dans un classicisme ankylosé et handicapant, jamais bien loin de l’académisme. Cette histoire que l’on nous bégaie à intervalles réguliers depuis que le cinéma existe se déroule ainsi sans surprise, sans réelle saveur singulière, et déploie un gothisme rebattu presque muséifié – déjà par del Toro lui-même dans CRIMSON PEAK. À l’image de la partition guère inspirée d’Alexandre Desplat, qui tartine chaque émotion, FRANKENSTEIN est à la fois terriblement sage et profondément didactique – « Ce n’est pas lui, le monstre », nous rappelle un dialogue –, incapable de générer ambiguïté ou trouble. Sans doute parce que la violence dont peut faire preuve le monstre n’est jamais réellement interrogée, quand elle n’est pas filmée avec une certaine complaisance – la mise à mort inutilement graphique des loups. Mû par un romantisme adolescent, FRANKENSTEIN a tout d’une valse : il tourne, tourne, tourne encore et pourrait le faire indéfiniment, sans soubresaut. Pourtant, à l’apogée de la première partie, la naissance de la créature agit bien comme un électrochoc – qui, malheureusement, sera de courte durée. La friction entre la cruauté de Victor Frankenstein et l’innocence apeurée de sa création émeut sincèrement le temps de quelques minutes en apesanteur, notamment parce que Jacob Elordi se révèle absolument terrassant dans le rôle, ses regards recelant des trésors d’émotions silencieuses. Le monstre qui, au cinéma, a souvent connu des corps bourrus ou dégingandés, tout en force, trouve dans l’élégante silhouette élancée d’Elordi un réceptable parfait à sa fragilité émotionnelle et à sa puissance physique. Le cœur de FRANKENSTEIN est là, dans cette remarquable prestation plus libre et aventureuse que le film ne parvient à l’être lui-même.
Partagez cette chronique sur :
De : Guillermo del Toro
Avec : Jacob Elordi, Oscar Isaac, Mia Goth, Christoph Waltz
Pays : États-Unis
Durée : 2h30
