ISLANDS

01/07/2025 - Par Aurélien Allin
Le troisième film du cinéaste allemand Jan-Ole Gerster a bien mérité son grand prix au festival Reims Polar. Même s’il est au bout du compte bien plus qu’un thriller.

Le cinéma est une histoire d’empathie, un exercice de projection dans un état mental et émotionnel dans lequel ISLANDS excelle. Dès son énigmatique premier plan, le réalisateur Jan-Ole Gerster pousse le public à s’interroger sur ce qu’il voit – qui est cet homme endormi dans le sable ? Pourquoi est-il là ? Est-ce le présent, un flashback ou un flashforward ? L’hameçon à peine lancé, Gerster a déjà ferré son poisson – nous. Sur l’île de Fuerteventura, dans l’archipel des Canaries, Tom (Sam Riley) se noie dans l’alcool, les coups d’un soir en boîte et un job monotone de prof de tennis d’un complexe hôtelier all inclusive. Lorsqu’il voit débarquer une famille de nationalité anglaise – comme lui –, il se lie immédiatement d’amitié avec eux et leur propose de leur faire visiter les lieux. Anne, la femme, d’une blondeur de cinéma, a tout d’une femme fatale. Dave, le mari, semble s’ennuyer dans son quotidien fait de responsabilités. Anton, le fils, démontre des prédispositions au tennis… Bien sûr se nouent là des relations troubles, un mystère se fait jour et ISLANDS, qui avait tout pour être un drame tout ce qu’il y a de plus classique, dérive en film noir suant sous un soleil de plomb. Tout le talent de Gerster réside dans sa capacité à invoquer des codes et recettes du genre pour guider le regard du spectateur et asseoir le mystère de son intrigue. Tout, dans ISLANDS, encourage le public à se poser des questions. À projeter. À se faire des films. Gerster croque chacun de ses personnages avec une minutie remarquable dans laquelle les stéréotypes agissent davantage comme des portes d’entrée que comme des clichés réducteurs. Car, les clichés, Gerster va vite les retourner – ce prof de tennis sexy ne souffrirait-il pas d’une crise existentielle, voire d’un certain manque de confiance en lui ? Cette femme fatale ne le serait-elle pas uniquement dans les yeux de ceux qui la regardent ? D’autant que les prestations de Sam Riley et Stacy Martin se révèlent impeccables, flirtant autant avec les archétypes que révélant des trésors de subtilité et d’humanité. Ainsi ISLANDS, redoutable machine à storytelling, dissémine indices trompeurs, insinuations louches et fausses pistes qui détournent l’attention autant qu’ils l’affûtent. Lorsque le film révèle certains de ses secrets, ils pourraient apparaître déceptifs – ‘tout ça pour ça ?’ – mais cette résolution dévoile au final le vrai visage d’ISLANDS : derrière le film noir se cachait une remarquable étude de personnage durant laquelle Jan-Ole Gerster a tout fait (brillamment) pour lier le regard de Tom à celui du spectateur.

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Sortie : 02.07.25
De : Jan-Ole Gerster
Avec : Sam Riley, Stacy Martin, Jack Farthing, Dylan Torrell
Pays : Allemagne
Durée : 2h03
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