Cannes 2025 : THE MASTERMIND
Après qu’Alice Rohrwacher a projeté en lui un hobo amateur d’art étrusque dans l’Italie des années 80 (LA CHIMÈRE), Kelly Reichardt fait de Josh O’Connor un voleur de tableaux dans l’Amérique des années 70 dans THE MASTERMIND, film a priori mineur, dont l’élégance et l’humour ravageur diffusent longtemps après le générique de fin. Il faut dire que l’acteur possède une classe d’un autre temps ; la chemise débraillée et la veste en velours vont particulièrement bien à celui qui convoque ici la figure d’un Al Pacino déconstruit et le charme d’un Richard Dreyfuss plus élancé. Il joue James Blaine Mooney – un nom de héros des 70’s en soi –, fils de la petite bourgeoisie du Massachussetts, ébéniste sans travail, se lançant dans le vol de toiles. Sa cible ? Quatre œuvres du peintre moderniste Arthur Dove, exposées dans le musée local de Framingham, où il emmène souvent femme et enfants. Il s’arroge les services d’une poignée de canailles pas très fiables, un collant sur la tête, pour un cambriolage en fin de matinée, entre les écolières et les petits vieux. La scène montrant les pieds nickelés aux affaires est bien sûr hilarante et elle intervient si rapidement dans l’histoire qu’on comprend rapidement que là n’est pas le cœur de cet autoproclamé « faux film de braquage ». Vite identifié comme le « mastermind » (tout de suite les grands mots) derrière ce vol qui fait parler la presse locale, il laisse sa femme et ses fils et part dans une cavale aussi antispectaculaire que son méfait était nase. L’intérêt est alors ailleurs, dans ce portrait d’un bandit sans panache qui en vient à piquer le sac à main des vieilles, centré sur lui-même et hermétique aux tumultes politiques autour de lui. La Guerre du Vietnam, les rassemblements réprimés dans les universités, les manifestations pacifistes dispersées à coups de matraque… Le suspense, c’est alors une question simple : J.B. finira-t-il par être rattrapé non pas par la police mais par la société ? Ce formidable instantané d’une époque américaine charnière (qui se répète aujourd’hui) fonctionne car tout le film concorde à nous y immerger. Avec ses tons automnaux, dans une palette marron, vert, beige, filmé en pellicule avec ce grain chaleureux et réconfortant, THE MASTERMIND, pourtant jamais passéiste, vit au rythme du jazz composé par Rob Mazurek, du groupe de jazz Chicago Underground Trio, des contrebasses et des trompettes enrobantes. Tout est magnifiquement suranné et pourtant d’une modernité discrète dans ce qui est l’un des crus les plus modestes mais les plus séduisants de ce festival de Cannes.
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Réalisateur : Kelly Reichardt
Avec : Josh O’Connor, Alana Haim, John Magaro, Hope Davis
Pays : États-Unis
Durée : 1h50