Cannes 2025 : FUORI
Figure devenue mythique en Italie, Goliarda Sapienza est l’incarnation de la femme libre. Et, de ce fait, une figure maudite dans ce monde qui ne supporte pas qu’on s’affranchisse de ses codes. Ainsi, ce n’est qu’au début des années 2000 – quelques années après sa mort survenue en 1996 – que son roman devenu culte, L’art de la joie, écrit entre 1967 et 1976, est enfin publié. Contestataire, féministe, sensuel : criminel en somme. Mais ce n’est pas ce que l’on voit dans FUORI de Mario Martone. Lui se concentre sur une période de la vie de l’artiste où elle vient de sortir de prison après une affaire de vol et recel de bijoux. De cette expérience, Sapienza tirera plusieurs livres et surtout des rencontres. Avec des femmes, plus jeunes, issues de l’autre côté de l’échelle sociale, peut-être plus militantes aussi. Et surtout Roberta, la plus intense, jouée par Matilda De Angelis, superbe révélation. Le film évoque leur relation après l’incarcération, entre rendez-vous inopinés dans des cafés où l’on enchaîne les whiskys à n’importe quelle heure du jour et de la nuit et déambulations dans Rome et ses alentours dans une fascination réciproque qui confine au désir. Mais ça, ce n’est pas vraiment non plus ce que l’on voit dans FUORI. Mario Martone se contente de regarder ses personnages sans jamais avoir réellement quelque chose à en dire, il les observe comme un entomologiste scrute des insectes, leur fait dire des grandes phrases, faussement mystérieuses et vraiment banales. Il pose sur ces femmes le même regard que Goliarda Sapienza (du moins dans le film) sur ses ex-co-détenues, une sorte de condescendance éblouie, paraissant se repaitre de leur gesticulation dans une vie qui ne leur fait pas de cadeau. Valéria Golino, souvent à moitié nue (c’est ça la liberté), semble passer les deux heures à attendre que quelque chose se produise. Et nous aussi. Dommage, car un peu à la manière des 45 premières minutes de NOSTALGIA, précédent long-métrage de Martone, FUORI, qui signifie « Dehors », est, dans ses meilleurs moments, une balade mélancolique, non plus à Naples, mais à Rome, où le décor extérieur nous sauve de nos paysages torturés intérieurs.
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De : Mario Martone
Avec : Valeria Golino, Matilda De Angelis, Corrado Fortuna, Stefano Dionisi
Pays : Italie
Durée : 1h57