Cannes 2025 : LUCKY LU

19/05/2025 - Par Perrine Quennesson
Relecture contemporaine du VOLEUR DE BICYCLETTE dans un New York post-Covid, le premier long métrage de Lloyd Lee Choi est un peu écrasé par sa référence, mais propose une étude intéressante d’un personnage ambigu et d’une communauté peu représentée.

L’an passé, le Festival de Cannes nous permettait de rencontrer Souleymane, dans le film quasi-éponyme de Boris Lojkine, un jeune Guinéen en attente de ses papiers pour pouvoir rester en France. Course contre la montre face à une administration qui ne déborde pas d’humanité, L’HISTOIRE DE SOULEYMANE a su séduire aussi bien la critique que le public, jusqu’au César pour son acteur Abou Sangaré. LUCKY LU partage beaucoup de points communs : on y suit Lu, lui aussi livreur façon Uber Eats, dont le vélo est volé alors qu’il est en pleine tournée. De cet incident, les problèmes découlent en série. Perdre son deux-roues, c’est ne plus pouvoir travailler. Ne plus pouvoir travailler signifie ne plus être payé. Et ne plus être payé implique de ne pas pouvoir régler son loyer. Tout ça alors que sa femme et sa fille, qu’il avait laissées en Chine le temps de s’installer, s’apprêtent à monter dans l’avion pour le rejoindre après plusieurs années de séparation. Une même observation de ces travailleurs précaires issus de l’immigration, et une même sensation de temps compté qui donnent aux deux films des accents de thriller. Cependant Lloyd Lee Choi, dont c’est le premier long métrage, installe son histoire dans le Chinatown new-yorkais avec une véritable volonté de montrer une communauté finalement peu représentée. Une communauté aussi bien diverse culturellement que linguistiquement, qu’il donne ici à voir sous un jour nouveau par la déambulation désespérée de son héros. Ou plutôt anti-héros tant Lu s’avère être un homme ambigu, à la fois ingrat, roublard et terrifié. LUCKY LU, qui tire un fil narratif un peu convenu, s’illumine dans une deuxième partie où le livreur sans vélo est rejoint par sa petite fille qui l’accompagne dans sa quête de solutions. Ils sont deux inconnus, ou presque, dont la relation consistait jusqu’alors à se parler par écrans interposés. Dans ce chaos, ils se rencontrent et s’apprivoisent, laissent tomber les filtres du paraître pour la sincérité de l’être, aussi imparfait soit-il. Évidemment, on ne peut pas ne pas penser au VOLEUR DE BICYCLETTE, le film se sentant parfois un peu écrasé par la comparaison. Mais en assumant sa parenté avec l’œuvre de Vittorio De Sica, Lloyd Lee Choi propose un parallèle intéressant entre l’Italie de l’après-guerre et le New York post-Covid et interroge la place des plus précaires dans ces sociétés traumatisées et repliées sur elles-mêmes.

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Sortie : Prochainement
Réalisateur : Lloyd Lee Choi
Avec : Chang Chen, Fala Chen, Carabelle Manna Wei, Laith Nakli
Pays : États-Unis
Durée : 1h43
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