Cannes 2025 : SIRÂT

16/05/2025 - Par Perrine Quennesson
Dans le désert, personne ne vous entendra hurler. Personne ne viendra vous sauver, du monde, de vous-même ou de la fatalité. Avec SIRÂT, Oliver Laxe propose une expérience totale, aussi bien visuelle, sonore que viscérale. Comme un écho de notre temps, désespéré mais traversé de lumière.

Au sud du désert marocain, dans un contexte de Troisième Guerre mondiale imminente, une bande de ravers installe un immense mur du son. Les basses électro qui en sortent, aussi pulsatives que lancinantes, viennent s’échouer et raisonner sur le mur naturel d’une falaise en face, comme un échange à travers les âges. C’est dans cet espace, à la fois ouvert et clos, que Luis, la cinquantaine, accompagné de son fils Esteban, est à la recherche de sa fille Mar qu’il n’a pas vu depuis 5 mois. Avec leurs tracts, ils espèrent obtenir un signe, une piste, un espoir. Quand les militaires débarquent pour évacuer la rave, le père et l’enfant suivent un groupe dissident de fêtards vers une autre terre promise de la teuf. C’est là que le titre du film, SIRÂT, apparaît en grand sur l’écran, au moment précis où le tandem et le mini-convoi se lancent dans un trip haletant sur un chemin funeste entre MAD MAX : FURY ROAD et LE SALAIRE DE LA PEUR. Le Sirât, dans la religion musulmane, c’est un pont. Un pont entre l’enfer et le paradis, une étape de transfiguration. C’est le voyage que propose Oliver Laxe. D’un récit d’aventure où un duo de la classe moyenne trouve un terrain d’entente avec une bande de « freaks » (le film appuyant la référence à celui de Tod Browning), il nous entraîne tout droit dans une sidération néo-moderne sur un monde en train de s’effondrer. Tragique dans son essence, le film est un purgatoire cruel où le réel traque, aveugle, ces personnages en marge, furieux qu’ils aient tenté de lui échapper. Seul acteur professionnel, Sergi Lopez offre son corps trapu et son visage désemparé à un Luis perdu, tout en accompagnant le reste du casting, non-professionnels mais véritables ravers nomades, aux âmes et aux corps cabossés, beaux de leurs fêlures qu’ils ne cachent pas. Acte de foi, le cinéaste demande à son spectateur de l’accompagner au bout de son expérience, alors qu’il n’a qu’une envie : fuir tout en restant accroché à son siège (pas simple comme sensation). Une expérience qui prend tout le corps. Les yeux tentent de réceptionner l’immensité de ce désert que le cinéaste filme comme un piège à ciel ouvert, grandiose et terrifiant, quand les oreilles absorbent comme elles peuvent le design sonore dantesque qui vient se coupler aux rythmes électro obsédant du musicien David Letellier, alias Kangding Ray. Les tripes, souvent sollicitées, font le reste. Délire spirituel qui cherche la lumière dans l’obscurité ou parabole politique sur un monde en conflit qui n’épargne rien, ni personne, SIRÂT est tout ça à la fois. Mais il est d’abord un choc.

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Sortie : 03.09.25
Réalisateur : Oliver Laxe
Avec : Sergi López, Bruno Núñez, Jade Oukid, Tonin Janvier
Pays : Espagne / France
Durée : 2h
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