GLADIATOR II
La foudre ne frappe jamais deux fois au même endroit, dit-on. Ridley Scott tente quand même le coup : près de vingt-cinq ans après avoir redoré le blason du péplum, genre moribond et souvent ridicule avec GLADIATOR, projet à la production chaotique qui, contre toute attente, s’était révélé grand film devenu néo-classique, le cinéaste s’essaie à une suite tardive. Mais pour dire quoi ? Le premier acte de GLADIATOR II, qui s’ouvre sur un superbe générique animé au style proche de celui du logo Scott Free, se révèle particulièrement aiguisé : en mettant en scène l’attaque maritime de la Numidie par les légions romaines, son chaos sanglant, ses conséquences tragiques aux images intolérables (les corps des hommes, brûlés devant femmes et vieillards en pleurs), Scott, dans un mouvement de continuation de NAPOLÉON, fonde son récit dans son habituelle misanthropie et dans une détestation des puissances coloniales et impériales. « Leurs terres, ils les ont volées. Et partout où ils mènent la destruction, ils disent apporter la paix », hurle Hanno, le personnage de Paul Mescal avant la bataille. À partir de là, Ridley Scott déroule son programme : Hanno perd son épouse durant l’attaque, est capturé par Rome, devient gladiateur pour le compte du conspirateur Macrinus (Denzel Washington), qui lui promet de lui offrir sa vengeance, alors que Rome est gouverné par deux autocrates cruels. Un programme proche de celui de GLADIATOR, donc. Bien sûr, ce décalque raconte quelque chose de Rome qui, en tant que système politique, fait du surplace ou pire, sombre toujours plus dans la corruption et la violence, s’éloignant inexorablement de l’utopie de Marc-Aurèle. Mais d’un pur point de vue dramaturgique, GLADIATOR II ne tire rien de ce surplace : la structure reste la même, les enjeux personnels également, des personnages viennent prendre le rôle que d’autres jouaient dans le premier film (Alexander Karim occupe peu ou prou l’espace dramatique de Djimon Hounsou). Si bien que GLADIATOR II peine à étonner et à émouvoir, tant les enjeux humains échouent à résonner, comme écrasés par les enjeux politiques, les intrigues de palais, les trahisons et les conspirations. Paul Mescal n’est pour rien dans cet échec de l’émotion : redoutable de charisme, partenaire de jeu affûté face à un Denzel Washington des grands jours, il impose ici sa présence sans difficulté. Mais jamais le récit ne laisse son personnage exister en dehors d’un programme lourdement dicté par l’intrigue et par la filiation du film avec le premier opus, jusqu’à une révélation, éventée dans les trailers, qui semble, si ce n’est forcée, au moins construite et imposée avec paresse. Impossible alors, pour GLADIATOR II, de se hisser vers les sommets d’émotion de son aîné, tant il ne parvient jamais à proposer quoi que ce soit d’un tant soit peu nouveau ou d’intéressant au-delà d’une certaine surenchère dans le spectacle – là aussi, un propos en soi sur Rome, pourtant jamais « écrit » dans la dramaturgie. D’autant plus frustrant que le film s’achève sur une jolie scène prospective, en suspens, porte ouverte vers un troisième opus, qui laisse entrevoir des enjeux émotionnels bien plus intrigants que tous ceux déployés 2h30 durant.
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Réalisateur : Ridley Scott
Avec : Paul Mescal, Denzel Washington, Pedro Pascal, Connie Nielsen
Pays : États-Unis
Durée : 2h28