Dans l’œil de Cinemateaser : Andranic Manet
On l’avait vraiment repéré en Dee Nasty dans LE MONDE DE DEMAIN, la série de Katell Quillévéré et Hélier Cisterne. Cet été, Andranic Manet éclaire LA RÉCRÉATION DE JUILLET, un premier film, et bouleverse dans LE ROMAN DE JIM des Larrieu. Une nouvelle star, on vous dit.
Dans LA RÉCRÉATION DE JUILLET, comme dans LE ROMAN DE JIM, vous incarnez un adulte qui doit faire le deuil de son enfance. Des personnages pleins de vie qui révèlent une fragilité, une tristesse immense… Ça vous étonne qu’on vous propose ces rôles-là ?
Andranic Manet : Je dois avoir l’air de ne pas être tout à fait fini. J’ai un côté rêveur, mec sur son petit bateau qui flotte. Devenir adulte, c’est descendre de son bateau et aller se confronter au monde. Et j’aime bien ça aussi. J’aime la spontanéité de mon métier. Être comédien, c’est le privilège de pouvoir être au présent et de profiter du temps. De s’en amuser. Ce que j’aime dans des rôles, des personnages, c’est ça. Rêver pour me cogner au monde.
Depuis votre découverte dans MES PROVINCIALES de Jean-Paul Civeyrac, vous amenez à l’écran une autre masculinité, plus douce, plus sensible. On vient vous chercher pour ça ou ces rôles sont-ils ceux qui vous attirent ?
C’est mystérieux. Je crois que je suis attiré par ces rôles-là. La douceur, c’est un truc tellement fragile. On ne peut rien maîtriser. Il faut se laisser aller. Quand je vois Cooper Hoffman dans LICORICE PIZZA, ça me fascine. On a l’impression que tout est naturel, évident, on ressent tout ce qu’il vit. Même sa façon de se tenir, de porter les vêtements, c’est très juste. Rien n’est en force. Il n’y a pas de démonstration. Je crois beaucoup à la vérité du cinéma. C’est comme un moment d’enfance. Pour jouer, il faut y croire. Mes personnages, pour moi, existent. Je ne fais qu’essayer de leur ressembler.
Est-ce que c’est la même chose pour vous, en tant que comédien, de tourner dans un premier long-métrage comme LA RÉCRÉATION DE JUILLET et de tourner pour les Larrieu, des cinéastes très installés ?
J’aborde les tournages et les rôles de la même manière. Après, je découvre tout ça et c’est étonnant de voir selon les films et les moyens de production comment les tournages fonctionnent. Sur un premier long, il y a quelque chose de plus électrique où tout le monde a son mot à dire, un côté troupe de théâtre. C’est vivant, on sent qu’il y a une urgence à faire un film comme si on avait peur que tout s’arrête… Avec l’expérience, les Larrieu, eux, sont peut-être plus posés, ils prennent le temps de chercher. Ça peut être un peu déroutant, ce sens du détail. Un mot, un accessoire, un déplacement et tout d’un coup, la scène est totalement différente. Ils sont dans la maîtrise. C’est très hiérarchique, mais jamais intimidant ou excluant. J’ai tourné également dans L’AMOUR OUF de Gilles Lellouche et c’était une énorme production, là aussi, très différente. Pourtant, dans les trois cas, j’ai l’impression de faire le même métier. Ce sont des énergies, des contextes différents, mais je me sens à ma place.
« Le cinéma comme le rap, c’est du flow. »
Le plaisir du jeu, il vient d’où ?
Dans les rencontres. J’aime les metteurs en scène, les réalisateurs qui aiment les acteurs. J’aime les acteurs qui aiment les acteurs. C’est difficile de bosser avec des gens qui ne donnent rien. Je fais ce métier pour partager, pour discuter, pour créer ensemble. Là, je viens de travailler avec Léonore Serraille, c’était incroyable. J’aime énormément son regard sur les comédiens, sa sensibilité, son attention à nous diriger. Ce sont des rencontres qui font les bons films, je crois. Moi je viens de la musique. Au départ, je faisais du rap. Et un jour je me suis retrouvé dans un stage de théâtre. Ce n’était pas tellement mon truc, c’était un peu loin de moi. Mais j’ai vu dans les yeux du prof qu’un truc se passait. Je sentais qu’on pouvait se parler… Et j’ai continué, j’ai aimé de plus en plus la discussion que la scène pouvait créer. Et c’est devenu ma vie.
Comment passe-t-on du rap au cinéma des Larrieu ?
Par l’amour des mots. Le rythme. Le cinéma comme le rap, c’est du flow. Trouver le bon phrasé, l’incarner. Les Larrieu, c’est une manière de parler, LA RÉCRÉATION DE JUILLET, c’en est une autre… Je n’ai pas encore fait de comédie populaire, mais je suis curieux de voir le rythme que ça demande. J’adore le cinéma de Dupieux aussi pour ça. Il y a un truc de langage chez lui, une façon d’être dans son cinéma, qui me donne très envie.
Vous revenez du festival de Tribeca où vous présentiez LA RÉCRÉATION DE JUILLET… C’était comment ?
Fou. Les réalisateurs ont dîné avec Robert De Niro ! Nous, petits Français, avec notre film sous le bras, dans un grand festival américain et tous ces gens du monde entier qui viennent te parler de ton travail… même aux toilettes. J’ai croisé un Américain là-bas qui entre deux portes, comme ça, s’est mis à me parler de mon personnage dans le film et à le comparer à celui du MONDE DE DEMAIN. Ça file le vertige…