WICKED – PARTIE 2

19/11/2025 - Par Renan Cros
Après le merveilleux du premier volet, WICKED s’offre une conclusion grave, triste et en colère, ébouriffante de virtuosité et d’ambition. Osé et impressionnant.

Un an que les fans – et toutes celles et ceux qui le sont devenus grâce au premier film – attendent la suite de WICKED. Un an que le film a soulevé le box-office mondial dans une tornade rose et verte, sur l’air iconique de « Defying Gravity ». Mais une fois en l’air, une fois qu’on a pris son envol, que faire ? Ne peut-on que retomber ? C’est là où WICKED tient du tour de force et du projet hors norme. Car fort du succès phénoménal du premier volet, un blockbuster banal aurait prolongé l’histoire en appliquant les mêmes recettes. Surfer sur le succès en donnant l’illusion du changement. Sauf que WICKED n’est pas une franchise, WICKED est un tout, une histoire en deux actes, conçue et intelligemment tournée en même temps par son réalisateur Jon M. Chu. Et c’est ce qui frappe dès les premières minutes de cette suite, qui n’en est pas une au sens strict du terme. Nous sommes quelques années après la fin du premier volet mais l’histoire continue. Comme si cette année passée à attendre le retour d’Elphaba et Glinda s’était écoulée différemment au pays d’Oz. Les voici vieillies, prisonnière des décisions qu’elles ont chacune prises à la fin de la partie 1. Dénoncer la supercherie du Magicien et sa dictature pour Elphaba, devenir l’image du pouvoir, l’outil de sa propagande pour Glinda. Le Yin et le Yang d’un conte qui, s’il racontait dans son premier acte l’émerveillement, s’offre une conclusion en forme de désillusion. Devenue la bête noire, l’ennemie imaginaire de tout un peuple, Elphaba s’interroge sur la justesse et les conséquences de son engagement. Glinda, elle, célébrée dans un attirail rose bonbon rêvé, goûte l’amertume des silences coupables. Le premier volet était une sorte de « récit d’apprentissage » reprenant les codes du film de lycée et l’émancipation de son héroïne à la peau verte. WICKED PARTIE 2 affronte plus directement les enjeux d’une vie d’adulte en se centrant cette fois-ci sur la fée rose. Si le parcours d’Elphaba pilote le récit et croise intelligemment la route d’une certaine Dorothy et de son chien Toto, c’est le cheminement de Glinda et son aveuglement, sa mélancolie à dire adieu aux rêves de l’enfance, sa façon de soudain prendre conscience de la violence du monde qui tend le film vers des sommets d’émotions. Soudain, les figures célèbres du film de 1939 prennent une gravité et une douleur que l’Histoire « officielle » avait effacées. Brillamment, Jon Chu se refuse à refaire LE MAGICIEN D’OZ mais fait de WICKED un pas de côté, une autre perspective, « une autre vérité » comme le dit Elphaba. La route de briques jaune n’est plus le chemin lumineux mais également le symbole de l’empire menaçant du Magicien, l’arrivée de Dorothy plus tout à fait un hasard et Le Lion, l’Homme de Fer et l’Épouvantail, ses compagnons d’infortune, des figures plus si innocentes. Un changement de point de vue que la mise en scène incarne littéralement à l’image, en filmant les scènes connues de loin ou de biais. Par pointillés, le conte enchanté connu de tous prend ainsi lui aussi des airs menaçants et tristes, les fameuses « chaussures d’émeraudes » se transformant par exemple en un symbole de deuil ou la bulle de la fée Glinda en un décorum du fascisme. Plein de colère, de tristesse et même de rage (« No Good Deeds go unpunished » chante une Elphaba surpuissante), WICKED PARTIE 2 surprendra peut-être celles et ceux venus chercher la joliesse et l’euphorie du premier volet. Mais nul doute que si l’on aime ces deux héroïnes et leurs interprètes, Ariana Grande et Cynthia Erivo, excellentes, on ne peut qu’être ému et impressionné par la trajectoire et l’ampleur que Jon Chu leur offre. Du merveilleux pour une époque inquiète.

Partagez cette chronique sur :
Sortie : 19.11.25
De : Jon M. Chu
Avec : Ariana Grande, Cynthia Erivo, Jonathan Bailey, Jeff Goldblum
Pays : États-Unis
Durée : 2h18
Partagez cette chronique sur :

Découvrez nos abonnements

En formule 1 an ou en formule 6 mois, recevez Cinemateaser chez vous !