WAKE UP DEAD MAN

10/12/2025 - Par Aurélien Allin
Un cerveau, des tripes et beaucoup de cœur : Rian Johnson s’attaque à nouveau à l’état politique du monde dans le plus humain des volets d’À COUTEAUX TIRÉS.

Le troisième épisode d’une saga serait, irrémédiablement, le moins réussi. Pour surmonter cette prétendue malédiction, Rian Johnson prend exemple sur LA DERNIÈRE CROISADE de Steven Spielberg et fait de WAKE UP DEAD MAN le film le plus personnel de sa franchise À COUTEAUX TIRÉS. Lui qui explique avoir grandi très pratiquant avant de s’éloigner totalement de sa croyance, met ainsi la foi et la religion au centre du récit de cette troisième enquête de Benoît Blanc. Jud Duplenticy, ancien boxeur et jeune prêtre sincèrement habité par la parole du Christ, est chargé par le clergé de surveiller Monsignor Jefferson Wicks, leader conservateur charismatique qui aurait radicalisé sa congrégation. Tout se complique quand, dans le transept, survient un meurtre « impossible » et que la police convoque le détective privé – et athée – Benoît Blanc. Comme dans À COUTEAUX TIRÉS et GLASS ONION, l’enquête de WAKE UP DEAD MAN regorge de fausses pistes intrigantes, d’humour vachard, de joyeuses références post-modernes, de rebondissements énormes et assure ainsi facilement le spectacle, aux atours esthétiques bien dosés d’horreur gothique. Mais ce troisième volet ne captive finalement pas tant pour son impeccable structure et les rouages de son intrigue que pour ce qui les nourrit : les personnages, leurs émotions, les questions qui les animent, leur rapport au monde. WAKE UP DEAD MAN, comme ses cousins EDDINGTON, UNE BATAILLE APRÈS L’AUTRE ou RUNNING MAN, portraiture l’état d’esprit actuel d’un Occident pourri par des reflux ultra droitiers, et le fait avec autant de rage que d’épuisement. S’énervant contre les injustices, les ostracismes, les autocrates, exhortant à élever la voix – le silence étant déjà une prise de position –, Rian Johnson réussit l’exploit d’être droit sans être binaire. Car l’espoir d’une guérison hante sa colère. Là encore, aucun angélisme, aucune ambiguïté à excuser l’inexcusable, à accepter l’inacceptable, juste un élan humaniste porté par la justesse d’un des plus beaux personnages du cinéaste et de cette année 2025 : le prêtre Jud. Avec son aura mystérieuse, assuré dans sa nonchalance, le splendide Josh O’Connor, par petites touches (une réplique, un sourire, un regard inquiet, un coup de poing, un blasphème), sculpte une prestation élégante digne d’un James Stewart, où se mêlent force brute et sincérité du cœur. Par lui se joue une notion essentielle qui illumine ce troisième volet et le mène à subvertir les codes du whodunit : les histoires ont trop de pouvoir pour les laisser aux mains de ceux qui en font des agents de l’ignorance et de la peur.

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Sortie : 12.12.25 sur Netflix
De : Rian Johnson
Avec : Josh O’Connor, Daniel Craig, Josh Brolin, Glenn Close
Pays : États-Unis
Durée : 2h20
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