THE OUTRUN

01/10/2024 - Par Aurélien Allin
Adaptation de « L’écart », livre autobiographique d’Amy Liptrot, THE OUTRUN est une remarquable étude de personnage, sensorielle et tempétueuse.

Dans BENNI, Nora Fingscheidt mettait en scène une gamine de 9 ans à problèmes, bringuebalée de foyer en foyer, violente et agressive car traumatisée. La cinéaste allemande, dont il s’agissait du premier long de fiction, usait de tous les outils à sa disposition pour transmettre la souffrance de Benni et sa brutalité, aussi : sa mise en images et en sons s’adaptait très organiquement aux émotions et aux actes de la petite fille. Une démarche quasi expressionniste projetant le spectateur dans le monde intérieur du personnage que Fingscheidt convoque à nouveau dans THE OUTRUN, avec un impact toujours aussi retentissant. Rona (Saoirse Ronan), bientôt la trentaine, vit à Londres. Heureuse en couple avec Daynin (Paapa Essiedu), elle s’abîme néanmoins dans un alcoolisme toujours plus destructeur. Parvenue à un point de non-retour, elle se réfugie chez ses parents, dans l’archipel des Orcades, terre bercée de mythes au nord de l’Écosse. Là, peu à peu, elle dompte ses démons, ses désirs et le monde oppressant qui l’entoure. Si THE OUTRUN se révèle aussi efficace à traduire à l’écran ce que traverse sa protagoniste, c’est qu’il fait de celle-ci l’œil du cyclone de son histoire. Alors que ses proches et les éléments sauvages des Orcades s’agitent autour d’elle, Rona arpente en silence la plage et la plaine, certaine que « sobre, [elle] ne [peut] pas être heureuse ». Alors Nora Fingscheidt la suit dans cette tourmente qu’elle tente d’affronter, avec un stoïcisme réticent comme si son dernier verre avait marqué la fin de son existence. Autant agitée et sensorielle qu’inerte et observatrice, sa réalisation se cale à la remarquable interprétation de Saoirse Ronan, capable de la plus grande férocité dans ses moments d’ivresse comme d’une retenue déchirante dans ses instants de doute. La caméra ne quitte jamais Rona des yeux, chronique sans les hiérarchiser ses petits triomphes comme ses cruautés, ses gestes dénués de toute émotion comme ses danses cathartiques, ses cris et ses silences. Un agrégat d’images, de sons, d’émotions, de petits moments et de grands gestes (une séquence magistrale où Rona conduit les éléments comme un orchestre) que Nora Fingscheidt articule dans un montage éclaté d’une grande maîtrise, véritable centrifugeuse qui, peu à peu, ordonne le récit, mais figure également l’intériorité de Rona et son évolution du chaos à la sérénité. Actrice, personnage, réalisatrice et mise en scène semblent ainsi s’unir dans une danse d’une absolue fluidité, happant le spectateur dans un mouvement furieusement empathique comme seul le cinéma est capable d’en créer.

Partagez cette chronique sur :
Sortie : 02.10.24
Réalisateur : Nora Fingscheidt
Avec : Saoirse Ronan, Saskia Reeves, Stephen Dillane, Paapa Essiedu
Pays : Royaume-Uni / Allemagne
Durée : 1h58
Partagez cette chronique sur :

Découvrez nos abonnements

En formule 1 an ou en formule 6 mois, recevez Cinemateaser chez vous !