THE LAST SHOWGIRL

11/03/2025 - Par Emmanuelle Spadacenta
Pamela Anderson sublimée par Gia Coppola pour un rôle bouleversant de meneuse de revue bientôt au chômage. Une version féminine de THE WRESTLER avec un truc en plumes.

« Je ne suis pas si vieille, vous savez » dit Shelly (Pamela Anderson), avant que le montage n’enchaîne sur le plan d’une paire de fesses qui ne font clairement pas leur âge – les siennes. Belle comme une jeunette, appliquée sans être scolaire, douce sans minauder, l’ancienne star d’ALERTE À MALIBU s’empare de ce personnage très émouvant d’une quinquagénaire spécialiste d’un art qui ne paie plus. Meneuse de revue sur la scène de « Le Razzle Dazzle » pour un show digne du Lido, Shelly va bientôt perdre son emploi après trente ans de bons et loyaux services car le cabaret va changer de style. C’est la mue qu’a entamée Las Vegas de toute façon, fermant les spectacles traditionnels pour privilégier les numéros plus sexy et provocateurs. Quand Hannah, la fille de Shelly (jouée par Billie Lourd, fille de Carrie Fisher) qu’elle n’a pas élevée, réapparaît dans sa vie, elle souligne le pathétique de la situation : qui sacrifierait sa maternité pour des plumes, une poignée de strass et des perles, un jeté de jambe à l’adresse de vieux spectateurs qui dorment ? Hannah ne voit pas l’artisanat et la passion derrière ces spectacles, certes un peu ringards, mais incarnés. C’est le monde que nous raconte Gia Coppola à travers les mutations de la ville du péché. À quelques kilomètres de là, Hollywood dévalue l’artisanat, pour désincarner le divertissement. Les Coppola défendent une certaine idée du cinéma, comme un projet personnel et un peu fou, rétif au tout technologique. Et la petite fille de Francis allie le geste à la parole : avec son 16mm chaleureux, ses lentilles qui au mieux créent des aberrations oniriques sur l’image et au pire génèrent délibérément des plans flous (choix clivant), elle filme, avec des yeux admiratifs et enfantins, comme embués, Pamela Anderson l’air embêté, la mine défaite, les yeux levés vers les nuages dans un Las Vegas de lendemain de fête. Autre grand personnage du film, Eddie (Dave Bautista), Droopy ambulant et gardien de ces dames, qui a lui aussi traversé les âges mais, caché en coulisses, ne connaîtra pas l’humiliation d’être viré pour plus moderne. Sa silhouette de vieux baroudeur, ses cheveux longs et sa paternité contrariée éclairent la plus évidente des comparaisons entre THE LAST SHOWGIRL et THE WRESTLER de Darren Aronofsky. Quoi que chez Gia Coppola, ce ne sont pas les corps qui flanchent mais ceux qui ne savent plus les regarder. Pas franchement féministe mais ultra-féminin, le film débine le jeunisme et cherche à sauver ce qu’il y a de sauvable dans un savoir-faire en voie de disparition. Venant d’une femme de 38 ans, à la tête d’un film joyeusement fauché, c’est à la fois anachronique et délicieusement réconfortant.

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Sortie : 12.03.25
Réalisateur : Gia Coppola
Avec : Pamela Anderson, Jamie Lee Curtis, Dave Bautista, Billie Lourd
Pays : États-Unis
Durée : 1h29
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