SMASHING MACHINE
À l’approche de la saison des Awards, on juge aussi les projets par leur honnêteté, on scrute le film qui a le discours au bon endroit, la star à la bonne place, la première au bon festival. Non pas pour faire preuve de mauvais esprit mais parce que la période met le marketing avant les films. Et le calcul SMASHING MACHINE a été plutôt bien fait : après une série de blockbusters pas dingues, Dwayne Johnson se rachète une crédibilité dans le cinéma indé (A24), avec une prestation physique et sentimentale franchement convaincante, pour le biopic d’un pionnier du MMA que personne ne connaît ; l’Anglaise Emily Blunt, Mary Poppins pour rappel, toute choucroute, faux ongles et wonderbra dehors campe le prototype de la white trash, l’épouse minaudant qui concocte (mal) les smoothies hyper-protéinés. Derrière la caméra, Benny Safdie fait ce qu’il sait très bien faire, du cinéma inspiré par les années 70 mais qui se déroule notamment dans les années 90, de sublimes images en vidéo et en pellicule. Pour casser le lustre et les ficelles d’un biopic qui évoquerait trop facilement le rêve américain et les cols bleus du sport, il embauche Nala Sinephro, musicienne belgo-caribéenne de jazz expérimental, pour composer son score. Était-elle la bonne personne au bon endroit ? Ou l’effet était-il le bon au bon moment ? Benny remporte le prix de la mise en scène à Venise sur fond de drama familial – il n’a pas remercié Josh, son frère, dont il s’est séparé et qui lui aussi présente un film oscarisable cette année, produit également par A24. En conférence de presse ou sur les plateaux télé, Dwayne Johnson joue la carte du prisonnier d’un système enfin libéré par l’Art – avant de signer pour JUMANJI 3. Tout le monde attend les nominations aux Oscars avec impatience – meilleur acteur, meilleur second rôle féminin, meilleure mise en scène, meilleure direction de la photo etc. – parce qu’attention, il y a du storytelling autour de SMASHING MACHINE. Y a-t-il vraiment autre chose sous SMASHING MACHINE qu’un projet bien monté ? Les acteurs sont formidables, les personnages mal aimables (ils sont capricieux, sujets aux addictions en tout genre), la mise en scène inattaquable. Mais quand vient le carton de fin, expliquant le sport de pauvre que le MMA était avant Mark Kerr et le prestige que ce dernier a apporté à la discipline, on regrette que ça n’ait pas été franchement traité à l’écran. Le mélo du couple sulfureux, les prothèses, la déco rococo, la mise en scène du retour de The Rock à un cinéma plus incarné ont pris toute la place. Les images pop et chic de ses tournées au Japon aussi. L’histoire, elle, s’est perdue en chemin, entre les promesses d’un cinéma affranchi des codes hollywoodiens et son académisme.
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De : Benny Safdie
Avec : Dwayne Johnson, Emily Blunt, Ryan Bader, Lyndsey Gavin
Pays : États-Unis
Durée : 2h04
