SING SING

28/01/2025 - Par Emmanuelle Spadacenta
La fiction offre à ces détenus et leur atelier théâtre la dimension romanesque et héroïque dont la société les prive. Et pourtant ce qu’accomplissent ces hommes mérite d’être raconté en grand.

Au sein du pénitencier de Sing Sing, près de New York, un programme permet aux détenus, purgeant parfois de lourdes peines, de suivre des cours de théâtre et de monter une pièce sur scène. Pour faire connaître cette initiative et ses bienfaits uniques sur le comportement des prisonniers et leur réinsertion, Greg Kedwar en tire une fiction, jouant avec les codes documentaires – dans le filmage et dans le casting composé majoritairement de non-professionnels jouant leur propre rôle. Parce qu’il est prof de théâtre à la ville, qu’il a une expérience sur les planches de plus de 30 ans et que la dimension sociale des arts lui est très importante, Colman Domingo incarne Divine G, le détenu à l’origine de l’atelier. Face à lui, une gueule, un charisme, Clarence Maclin, véritable révélation du film, joue ce qu’il était vraiment en prison : un gros dur qui intègre le programme et se révèle habité par le théâtre. À travers lui, c’est toute la vertu de l’art qui est expliquée. Cette virilité mal placée nécessaire à la survie entre les murs, ces personnages qu’ils se créent pour exister dans la rue ou en cellule, cette violence qui sert de moteur à ceux qui sont mal nés, tout ça soudain disparaît : à travers le jeu, ils retrouvent l’innocence de l’enfance et ouvrent une brèche vers leur vulnérabilité, tombant le masque, baissant les armes. Par l’intelligence de sa mise en scène, Greg Kedwar offre aux détenus de se réapproprier l’espace comme une libération physique et spirituelle. Il n’y a plus de confrontation mais de l’intimité, il n’y a plus d’insultes mais des mots doux, il n’y a plus de rivalité mais un esprit d’équipe. Un homme que la société a soudain enfermé – à tort ou à raison – peut devenir le Roi du Danemark et retrouver sa dignité. Aucun grand discours ne vient surligner la note d’intention du film : son message se dévoile dans des dialogues d’une finesse éblouissante et par le regard tour à tour brisé et étincelant de tous ces hommes en résilience. Le cri du cœur de Greg Kedwar ne s’arrête pas à la légitimation de ce programme mais s’étend à la reconnaissance de l’humanité de ces détenus, perpétuellement suspects. Alors que par les arts, ils essaient de s’élever, ils sont aussi soupçonnés d’utiliser le théâtre par duplicité, pour jouer les gentils. Ce procès d’intention, absolument terrible, rappelle que le théâtre aide d’abord les détenus à vivre avec eux-mêmes mais qu’il ne change pas le regard que la société porte sur eux. Le film met alors en accusation le système carcéral pour qui démocratiser ces ateliers, c’est risquer de voir les hommes qu’ils ont brisés se relever. Mais grâce à SING SING, maintenant tout le monde le sait.

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Sortie : 29.01.25
Réalisateur : Greg Kedwar
Avec : Colman Domingo, Clarence Maclin, Paul Raci, Sean San Jose
Pays : États-Unis
Durée : 1h47
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