RUNNING MAN

12/11/2025 - Par Aurélien Allin
L’énergie de SCOTT PILGRIM, la virtuosité de BABY DRIVER, l’humour des CORNETTO et la conscience énervée de LAST NIGHT IN SOHO : bienvenue dans le futur très actuel selon Edgar Wright.

Ne pas croire les premiers mots prononcés par Ben Richards (Glen Powell) dans RUNNING MAN. « Je ne suis pas en colère », prétend-il. Ne pas le croire car, deux heures durant, Edgar Wright le filme carburant à deux essences : le désir de subvenir aux besoins de sa famille et la rage – le premier alimentant la seconde dans cette Amérique futuriste régie, plus que jamais, par la lutte des classes. Ben Richards a la haine car, pro-syndicats, il a osé dénoncer les méthodes de patrons voyous et se retrouve blacklisté, sans un sou, incapable de payer les médicaments de sa petite fille malade. Pour tenter de gagner 1000 balles faciles à un jeu télé débile, il se présente aux auditions du Network mais se retrouve enrôlé dans le plus létal de tous, Running Man. Si, au bout de 30 jours, Richards est toujours vivant, il empochera une fortune… Le roman de Stephen King, publié en 1982, avait bien senti tout ce qui suivrait Reagan et Thatcher. Prophétique et pas qu’un peu, du culte de l’image à la post-vérité, presque tout des quatre dernières décennies s’expose, cru et cinglant, dans ce texte dont Edgar Wright se saisit avec fidélité et dextérité. Son RUNNING MAN avance presque masqué : de loin, il a tout d’un divertissement de commande. De près, il est un authentique film de son auteur : un énorme spectacle accueillant et exaltant, animé par un protagoniste qui bataille contre le système – et qui débute sur un générique similaire à celui de BABY DRIVER. Ce futur, que Wright capture dans une splendide esthétique rétro artificielle ramenant aux meilleures satires 80’s et 90’s de Verhoeven, pourrait très bien figurer ce qu’il adviendrait du monde si les délires fascisants des vieux conservateurs de HOT FUZZ triomphaient. Hanté par aujourd’hui, ses injustices, ses absurdités, ses rhétoriques trumpistes, RUNNING MAN met en scène une folie collective avec, dans l’œil du cyclone, la prestation propulsive de Glen Powell, à mi-chemin entre le Choi Min-sik enragé d’OLD BOY et le Tom Cruise fanfaron de TOP GUN. Alors RUNNING MAN ne décélère jamais, entre scènes d’action d’une fluidité absolue et numéros comiques hilarants (Michael Cera !). Méchamment satirique, appuyant là où ça fait mal – les méchants sont très méchants et pour cause, ils se jouent de la vie d’autrui –, il vire à la tragédie, à une fatalité politique, consumé par la colère de Richards et, probablement, du spectateur. Car, dans la lignée d’EDDINGTON, UNE BATAILLE APRÈS L’AUTRE et WAKE UP DEAD MAN, RUNNING MAN tire son portrait au monde de 2025 sans caviarder ses honteux défauts et surtout, tire à balles réelles.

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Sortie : 19.11.25
De : Edgar Wright
Avec : Glen Powell, Michael Cera, Josh Brolin, Katy O’Brian
Pays : États-Unis
Durée : 2h13
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