REINE MÈRE
Dans les années 1990, en pleine affaire « Omar m’a tuer », alors qu’éclate la première Guerre du Golfe et que le « bruit et l’odeur » de Jacques Chirac fait la une, Amel et Amor, elle tunisienne, lui algérien, tous deux très amoureux, sont venus en France pour s’établir professionnellement et fonder une famille. Lorsqu’ils perdent leur logement et sont obligés de s’exiler à 45 minutes en RER de l’école des enfants, Amel, déjà reine de la mauvaise foi, voit carrément rouge. Manele Labidi propose avec REINE MÈRE (son deuxième long métrage après UN DIVAN À TUNIS) une chronique familiale enjouée qui n’évite cependant pas de prendre son sujet à bras-le-corps : celui du déclassement entraîné par l’immigration. Elle y oppose deux points de vue, celui résilient d’Amor, joué avec tendresse par Sofiane Zermani, et celui combatif d’Amel, parfaite Camélia Jordana. Mais plus fort encore, la réalisatrice met en scène le traumatisme de cet exil vers un pays qui ramène systématiquement la notion d’Arabe à ceux que Charles Martel aurait « boutés hors de France ». Elle imagine alors que ce dernier, sous les traits de Damien Bonnard, devient l’ami imaginaire de la fille aînée du couple, Mouna. Par ce procédé fantastique, à la fois amusant et pertinent, Manele Labidi explore la notion d’identité, mais surtout, elle démontre avec habileté que l’Histoire, comme les stéréotypes, ne sont affaires que de construction.
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Réalisateur : Manele Labidi
Avec : Camélia Jordana, Sofiane Zermani, Damien Bonnard, Rim Monfort
Pays : France
Durée : 1h33