NIKI
Ne pas montrer les œuvres de Niki de Saint Phalle dans un biopic de Niki de Saint Phalle tourne étrangement à l’avantage de Céline Sallette. Cette contrainte (pas sûr que les droits de ses œuvres soient accessibles) devient un parti pris payant : on n’a plus qu’à imaginer comment les gestes radicaux de la plasticienne ont traduit ses traumatismes en un art novateur et singulier. Ce qui intéresse ici, ce n’est pas tant les œuvres que le processus. Ce temps, long, à trouver sa singularité, après s’être en vain conformée. La vie de Niki, empêchée par le patriarcat, n’était pas conventionnelle. Céline Sallette filme une femme libre, au point de trahir ou de décevoir, une épouse et une mère en rébellion. Une artiste en équilibre entre la stabilité et la précarité et qui se trouve dans l’engagement – elle dénoncera l’ultraconsumérisme et ne résumera jamais son travail à ses traumas. La place de la femme dans le milieu paradoxalement conservateur de l’art, les alliés qu’elle s’est trouvés dans une forme de dénuement et de bazar, l’amour inconditionnel d’un mari largué : le portrait de Niki de Saint Phalle regarde l’intime par un prisme contemporain et politique. La finesse de Céline Sallette à la comprendre, l’amour qu’elle lui porte, implique qu’elle fasse un film en colère. Mais l’écrin, bienveillant et terriblement beau à regarder, qu’elle lui offre, c’est du cinéma en majesté.
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Réalisateur : Céline Sallette
Avec : Charlotte Le Bon, John Robinson, Damien Bonnard, Judith Chemla
Pays : France
Durée : 1h38