MOTHER LAND
Au cœur d’une forêt non identifiée en Amérique, une mère vit dans une cabane avec ses deux jeunes fils et leur chien. Le monde s’est éteint, dit-elle. Et au-dehors de leur foyer le Mal rôde. Pour lui échapper, une seule solution : ne jamais perdre la connexion avec la maison, en bois ancien, grâce à un système de cordes. Bientôt, l’un des deux garçons se blesse lors d’une sortie et l’autre remet en question les préceptes de sa mère… Dès les premières minutes de MOTHER LAND chaque spectateur saura, au plus profond de son être, que quelque chose cloche. Débute alors, pour chacun, une discussion avec le film, avec ce qu’il montre et ne montre pas, avec ce que raconte la mère de famille à ses enfants et avec la manière dont ils interagissent avec cette mythologie. Certains indices impalpables participent d’une atmosphère où tout semble privilégier l’esquive à la sincérité, tandis que le placement totalement hors-champ du monde extérieur laisse dans l’expectative quant à la véracité de l’apocalypse. MOTHER LAND repose ainsi sur un mystère, au point que chaque scène qui vient ajouter au brouillard de l’intrigue menace le tout de craquer de toute part. Combien de temps MOTHER LAND pourra-t-il tenir son énigme ? Dans les mains de n’importe quel faiseur américain habituel de l’horreur, sans doute se serait-il effondré très rapidement. Mais dans celles d’Alexandre Aja, qui pourrait réaliser de tels films les yeux fermés et le faire toujours mieux que les autres, MOTHER LAND tient la route. Bien sûr, l’ADN du récit mène le spectateur à attendre un retournement de situation ou un rebondissement tonitruant, baignant le tout dans une artificialité qui empêche de se sentir pleinement concerné ou happé. Mais parce qu’Alexandre Aja respecte son auditoire et son histoire, MOTHER LAND finit par trouver son attrait ailleurs que dans son intrigue. Avec son sens aigu du storytelling visuel, Aja confectionne des images dérangeantes qui captent l’attention, maintiennent l’intérêt, et permettent au film d’asseoir son propos. Qu’il renvoie aux anxiétés du Covid et au repli sur soi qu’il a pu engendrer, au contexte politique contemporain dominé par les populistes et les nationalistes qui élèvent les gens les uns contre les autres ou qu’il observe la manière dont le trauma nourrit le mal et sa passation de génération en génération, MOTHER LAND et son ode au lâcher prise se révèle suffisamment riche thématiquement pour créer l’empathie. D’autant que la résolution du mystère, bien que trop tardive, n’est au final pas nécessairement, ou totalement, celle qu’on attend.
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Réalisateur : Alexandre Aja
Avec : Halle Berry, Anthony B. Jenkins, Percy Daggs IV, Stephanie Lavigne
Pays : États-Unis
Durée : 1h41