MERCATO

18/02/2025 - Par Aurélien Allin
Une sorte de cousin français d’UNCUT GEMS dans les arcanes du foot : électrique et survolté, notamment grâce à une fantastique performance de Jamel Debbouze.

« Depuis que Matuidi m’a lâché, plus personne me parle », lâche Driss, comme un cri du cœur. Ce loser magnifique dont on décèle pourtant le potentiel et l’humanité qu’il enterre sous des tombereaux de cynisme, cherche un nouveau souffle à sa carrière d’agent de footballeurs. Mais « le foot a changé, t’as plus les codes », lui lâche une ponte d’un équipementier. Alors MERCATO va passer deux heures à essorer son protagoniste. Menacé par deux hommes qui, par le passé, lui ont présenté un joueur prometteur, il doit leur rembourser 300 000€ dans les 8 jours. Driss va profiter du mercato pour tenter de transférer des clients et empocher le pactole. Sur le papier, MERCATO, initié sur une idée de Jamel Debbouze, aurait pu donner lieu à une comédie à la française dans tout ce que cela peut avoir de simpliste, outrancier ou paresseux, une sorte de TROIS ZÉROS boosté à l’esprit Canal. Sauf que Jamel, les scénaristes Olivier Demangel et Thomas Finkielkraut (la série TAPIE), et le réalisateur Tristan Séguéla, optent pour l’exact contrepied. Ne pas croire que MERCATO se refuse tout élan comique. Il parvient au contraire à faire rire ou sourire avec les travers du foot et de la culture de l’argent, notamment grâce au timing sans faille de Jamel, ici de chaque plan, phénoménal de charisme et d’engagement, capable des meilleures vannes balancées avec le plus grand des naturels. Mais cette façon qu’a l’acteur de jouer avec son passif comique sert au final la profondeur dramatique de son personnage imparfait, à caractériser le bagout nécessaire aussi bien aux négociations et manipulations qu’il engage qu’à sa survie. Qu’on aime et connaisse le monde du foot, peu importe, car MERCATO sait le rendre captivant, notamment grâce à quelques réflexions intéressantes, même sous-exploitées – la nature ultracapitaliste du sport comme exploitation des sportifs, idée qui n’est pas sans rappeler HIGH FLYING BIRD de Soderbergh et les thèses du sociologue afro-américain Harry Edwards –, ou en dressant un portrait dérangeant des effets d’une fabrique à rêves souvent indécente. MERCATO saisit d’autant plus au col que Séguéla calque son film sur une mécanique narrative, visuelle et sonore très proche d’UNCUT GEMS des frères Safdie, en moins épuisant toutefois : dispositif de course contre la montre, usage de longues focales et pulsation étouffante de la musique électro. Un mimétisme qui nuit évidemment à la singularité du film, mais qui assure néanmoins son efficacité car, à la photo et à la musique, le travail exceptionnel de Romain Carcanade et d’Amin Bouhafa n’apparaît jamais comme une pâle copie.

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Sortie : 19.02.25
Réalisateur : Tristan Séguéla
Avec : Jamel Debbouze, Hakim Jemili, Milo Machado-Graner, Monia Chokri
Pays : France
Durée : 2h
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