MÉMOIRES D’UN ESCARGOT
Dans le merveilleux monde de l’animation en volume, il y a, pour n’en citer que quelques-uns, le studio Aardman, qui, coïncidence, sort aussi un film en ce début d’année (WALLACE ET GROMIT : LA PALME DE LA VENGEANCE), le studio Laïka, Claude Barras, sa COURGETTE et ses SAUVAGES ou encore Henry Selick, qui, d’ailleurs, prépare une suite à CORALINE. Et il y a Adam Elliot. L’Australien avait pris tout le monde de court en 2009 avec son tendre, sombre et lacrymal MARY ET MAX., récompensé alors du Cristal au Festival d’Annecy. Depuis, zéro nouvelle. Ou presque, puisqu’en 2015, il a réalisé le court ERNIE BISCUIT. Alors qu’on était à deux doigts de le ranger dans la case des « One Hit Wonder » aux côtés de Charles Laughton et Barbara Loden, il revient avec une nouvelle merveille, elle aussi auréolée de la Palme d’Or de Haute-Savoie en juin dernier. Bouleversant, hilarant, surprenant : les mots manquent pour qualifier MÉMOIRES D’UN ESCARGOT dont l’héroïne est Grace Prudel, une sorte d’Amélie Poulain sous Tranxène. Alors qu’elle vient de perdre sa meilleure amie, Pinky, elle fait le point sur sa vie auprès de Sylvia, un escargot domestique, devenu oreille attentive pour l’occasion. On y découvre une femme seule, terriblement seule, orpheline de mère, séparée de son jumeau à la mort de leur père, moquée depuis l’enfance pour son important bec de lièvre et incapable de s’ouvrir à un monde qui l’a bien trop souvent rejetée. Déprimant ? En théorie, oui. Mais à travers la plasticine et le regard malicieux d’Adam Elliot, ce drame prend des airs de comédie qui n’a pas peur de regarder en face les parts sombres de l’existence. Surtout, il rappelle que cette tragédie qu’est la vie est finalement assez prosaïque, que l’histoire de Grace a ça de commune qu’elle est unique. Une sensation appuyée par la métaphore de l’escargot, animal-totem de l’héroïne, à la fois banal, singulier (aucune coquille ne se ressemble) et contraint d’aller de l’avant. Cette manière de faire se balancer et s’accommoder, sans effort, l’individu et l’universel donne toute sa profondeur et son style au travail du réalisateur australien. D’ailleurs, il a même un mot pour ça : « clayographie » (biographie en pâte à modeler), où ses personnages sont des pêle-mêle de ses amis, de sa famille et de lui-même, de ses expériences et de celles des autres. Un concentré d’humanité renforcé par ces marionnettes aux grands yeux qui semblent avoir un supplément d’âme. Ode à la résilience, à la nuance et à l’imperfection, MÉMOIRES D’UN ESCARGOT donne autant à rire qu’à réfléchir. Le meilleur film de 2025 ? Peut-être déjà.
Partagez cette chronique sur :
Réalisateur : Adam Elliot
Avec : les voix originales de Sarah Snook, Eric Bana, Jacki Weaver
Pays : Australie
Durée : 1h34