MARCHE OU CRÈVE

01/10/2025 - Par Emmanuelle Spadacenta
Adapter le « Marche ou crève » de Stephen King va particulièrement bien à l’univers de Francis Lawrence, déjà aux manettes de JE SUIS UNE LÉGENDE et HUNGER GAMES.

Francis Lawrence n’est pas de ceux que la critique range parmi les auteurs et pourtant, il a une marotte, une sorte d’obsession qui rend son cinéma intéressant. Peut-être est-ce l’industrie qui la lui a imposée ou peut-être pas. Qu’est-ce qu’il a, Francis Lawrence, avec les derniers survivants ? JE SUIS UNE LÉGENDE, HUNGER GAMES… aujourd’hui MARCHE OU CRÈVE, tous ces films orchestrent la plus cruelle des compétitions, qui verra les perdants mourir et le vainqueur survivre, désespérément seul. Dans MARCHE OU CRÈVE, une crise économique pousse les jeunes à s’inscrire à la Grande marche, une course sans ligne d’arrivée. Il faut aller, aller, sans fléchir, sans arrêt, aussi loin que possible pour ne pas finir avec une balle dans la tête. Celui qui aura vu tous ses compagnons de galère agoniser sur le bitume se verra octroyer une grosse somme et un vœu. Et comme on s’enrôle à l’armée sans imaginer une seconde les horreurs des combats, on signe pour cette compétition sans appréhender le cauchemar qu’elle va lentement devenir, à coup de cheville brisée, de diarrhée explosive, de fièvre ou de bouffée délirante. Sorti en 1979, le roman de Stephen King transformait tous ces jeunes américains morts au Vietnam en victimes d’un récit d’épouvante. MARCHE OU CRÈVE, à sa forme allégorique près, tutoie les sommets du film de guerre. Non seulement est-il politique en regardant avec effroi le gouvernement américain recruter de la chair à canon, mais – et c’est là où l’expérience de Francis Lawrence avec HUNGER GAMES joue à plein – il observe, avec tristesse et regret, la camaraderie de fortune, celle qui donne des derniers amis aux condamnés à mort – le versant le plus bouleversant du film. La portée métaphorique est telle qu’il est très possible de lire MARCHE OU CRÈVE comme une critique sévère du monde moderne, notamment capitaliste. Illusion de la méritocratie, corps corvéables à merci, stimulés par un général – tel un contremaître – éructant « We will be number 1 in the world again ! » : la soumission du peuple par le fascisme, le diktat de la performance, tout rappelle les dérives actuelles, notamment en Amérique. Et pourtant, Francis Lawrence parvient à capter une sorte de résistance intellectuelle et morale qui vient ponctuer ce chaos délétère et dégueulasse d’une touche d’optimisme. Autre raison de se réjouir ? Même s’il est une adaptation, MARCHE OU CRÈVE est de ces films pas forcément faits pour gagner gros au box-office mais réalisés avec intelligence et savoir-faire. Mettre en scène une longue et interminable marche, emprunter le point de vue de ces jeunes frappés par l’horreur ou détournant le regard, combiner aussi bien le cinéma de genre et le cinéma engagé, ce n’est pas à la portée de tous les auteurs.

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Sortie : 01.10.25
De : Francis Lawrence
Avec : Cooper Hoffman, David Jonsson, Mark Hamill, Charlie Plummer
Pays : États-Unis
Durée : 1h48
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