MAD FATE

Chez Soi Cheang, le cinéma de serial killer peut s’attaquer par plusieurs angles : le polar crasseux en noir et blanc comme LIMBO, où deux flics traquent un taré ; ou la comédie hallucinée et dark dans laquelle un maître en feng shui entreprend de changer le destin d’un homme qui a toutes les prédispositions pour devenir un assassin – ça, c’est MAD FATE. Là où LIMBO adoptait une narration didactique de film policier, MAD FATE, difficile à étiqueter, opte pour un récit insaisissable, comme pour illustrer son sujet : au fatum, qui va comme sur des roulettes, on peut opposer la volonté et la responsabilité individuelle. Ainsi, c’est sans jamais savoir où tout va aller qu’on regarde amusé les pistes d’abord se multiplier puis le sujet s’éclaircir à mi-parcours. Dans la filmographie de Soi Cheang, MAD FATE succède à LIMBO et c’est comme pour conjurer le nihilisme de LIMBO que MAD FATE porte un regard plus dynamique sur ce satané destin. D’abord coloré, déluré et joueur, le film s’enfonce dans la noirceur, la pluie redouble et le tonnerre s’abat sur un Hong Kong de comic book expressionniste. Ka Tung Lam, flic au sérieux papal de LIMBO, emporte MAD FATE par une énergie folle, une urgence qui met le film hors d’haleine. Rivé au bitume détrempé de Hong Kong, MAD FATE interroge avec noirceur si l’on peut combattre sa vraie nature. Normal : Soi Cheang sera toujours Soi Cheang.