LONGLEGS

10/07/2024 - Par Aurélien Allin
Narration maîtrisée, imagerie dérangeante et un Nicolas Cage dérangé : Oz Perkins signe un film de tueur en série d’une redoutable efficacité.

Après trois premiers longs-métrages qui, tant dans leur ambiance que dans leur narration, ne cherchaient pas toujours l’évidence quitte à s’aliéner une partie du public, Oz Perkins effectue un mouvement intéressant vers le spectateur avec LONGLEGS. Mais lui-même le dit : si son quatrième film se révèle en effet plus accessible à première vue, il ne s’agit en réalité que d’une façade. Cette histoire de tueur en série qui pousse les gens au meurtre et échappe à la police depuis trois décennies établit des passerelles évidentes, assumées, avec certains des grands titres du genre. LE SILENCE DES AGNEAUX, tout d’abord, Lee Harker en héritière de Clarice Starling ; SEVEN ou X-FILES, pour son recours à une imagerie perturbante, comme possédée par le Mal ; ou encore ZODIAC, le tueur Longlegs contactant les autorités par le biais d’étranges lettres codées. Le spectateur se retrouve ainsi en terrain connu, presque balisé, avec ses codes confortables, ses passages presque obligés et décomplexés. Impossible de ne pas être immédiatement happé par ce qu’échafaude Perkins. Ses deux acteurs principaux participent de cette fascination, Maika Monroe dans une rigidité quasi robotique et Nicolas Cage, méconnaissable et pourtant lui-même, dans une prestation de clown dérangé. Le récit, lui, affiche une efficacité assez imparable : l’intrigue est en perpétuel mouvement, sans temps mort ni faux suspense trompeur, mystère et révélations régis par un savant équilibre. Une pureté toutefois entachée par moments dans le dernier tiers, à la résolution plus maladroitement explicative. Mais au-delà de cette mécanique globalement très bien huilée, Oz Perkins ne renie pas ce qui l’anime et ce qui a fait son cinéma jusqu’alors, notamment ces atmosphères délétères qui n’ont jamais peur d’être en suspens. Jouant avec les formats (1.33 pour les souvenirs, 2.35 pour la temporalité principale des années 90), convoquant des figures stylistiques sur signifiantes (le zoom comme regard) et maniant sans ciller le symbolisme (Lee habite une maison de bois dans la forêt, comme dans un conte), Oz Perkins construit brique par brique un long-métrage à la fois dirigé et comme dévoré par son étrangeté, créant une passerelle émotionnelle assez puissante entre son héroïne et le spectateur. Jamais avare en imagerie dérangeante, qu’il manie soit avec outrance comme lors de la première apparition de Longlegs, soit avec une inertie encore plus retentissante lors de moments de violence graphique, il contamine patiemment son film et lui insuffle ce qu’il faut de bizarrerie pour qu’il hante sans crier gare le spectateur.

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Sortie : 10.07.24
Réalisateur : Oz Perkins
Avec : Maika Monroe, Nicolas Cage, Alicia Witt, Blair Underwood
Pays : États-Unis
Durée : 1h42
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