L’HISTOIRE DE SOULEYMANE

09/10/2024 - Par Emmanuelle Spadacenta
Cette immersion chez les livreurs sans-papiers qui courent les rues de Paris lève le voile sur les drames qu’ils vivent. Sans compromis.

Boris Lojkine assume de faire un cinéma à la Roumaine, du réalisme social cru mâtiné de thriller. On pense aussi irrémédiablement au très dardennien TAKE OUT de Sean Baker dans le dispositif d’un cinéma d’action. Mais comme le réalisateur français filme ceux qu’on croise tous les jours, sans savoir où ils passent la nuit, comme ces hommes sont les doubles victimes de la misère de leur propre pays et de l’ultra-libéralisme d’ici, comme finalement la société française ne sait plus si elle a besoin de ces nouveaux esclaves ou si elle voudrait les voir « rentrer chez eux », comme en gros, le film nous confronte à notre propre hypocrisie, la gifle est sévère. Le portrait de Souleymane, livreur sans-papiers, nous force à voir ce dont on détourne habituellement le regard : Souleymane. Lui, le Guinéen qui, des quartiers huppés aux grandes banlieues, court pour survivre, rend des comptes et n’a aucun droit à l’erreur. En deux jours, coaché et escroqué par une mafia, il doit apprendre son histoire fictive qui lui permettra peut-être de rester sur le sol français, en tant que réfugié. Hormis les très structurées associations en ordre de marche, il n’y a aucune empathie autour de lui, aucun instant de répit, aucune main tendue. Dès lors, la caméra, dont pourtant l’objectivité est quasi-documentaire, est le seul regard de bienveillance porté sur lui, le martyr de systèmes qui gangrènent le monde. Que celui qui ne finit pas dévasté nous jette la première pierre.

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Sortie : 09.10.24
Réalisateur : Boris Lojkine
Avec : Abou Sangare, Nina Meurisse, Alpha Oumar Sow, Emmanuel Yovanie
Pays : France
Durée : 1h33
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