LES CONTES DE KOKKOLA

Avant qu’il ne passe au long-métrage en 2016 avec OLLI MÄKI, Juho Kuosmanen a réalisé un court-métrage très remarqué : en 2012, inspiré par la mésaventure d’un homme, Seppo Mattila, en guerre contre la ville de Kokkola qui voulait son expulsion car sa maison était insalubre – depuis, il a obtenu gain de cause –, Juho Kuosmanen réalise MATTILA LE VAGABOND ET LA JOLIE FEMME, dans lequel Mattila, sous la pression des autorités qui jugent son logement non-habitable, prend ses affaires, son chien et déménage en Suède. Un hommage au muet, à l’humour à froid, où l’on échange un fusil contre une lampe pour la dépression hivernale… Là réside toute la finesse de Kuosmanen qui n’a pas besoin d’expliquer plus avant que cette dame, lâchée par sa lampe et le moral au plus bas, va probablement faire un malheur avec sa nouvelle arme. Mattila devrait se méfier : après une altercation avec trois jeunes garnements, les habitants voient sa présence « d’étranger » d’un mauvais œil. Voilà comment Kuosmanen, 33 ans à l’époque, parvenait déjà à brosser le portrait des laissés-pour-compte avec poésie et bienveillance sans omettre la place fondamentale qu’ils tiennent pour jauger une société. 27 minutes plus tard, le réalisateur embraye sur BOUILLEURS DE CRU CLANDESTINS (2017), remake du premier film finlandais, THE MOONSHINERS (SALAVIINANPOLTTA- JAT, 1907), que Kuosmanen n’a jamais vu – et pour cause, les copies existantes ont disparu ! Des recherches extensives dans les archives nationales – et notamment les journaux de l’époque – le mettent sur la piste d’un duo de contrebandiers d’eau de vie, assistés d’un cochon. En résulte un film de 16 minutes, burlesque en diable. Enfin, six ans plus tard, l’actrice Jaana Paananen, l’une des deux « bouilleurs de cru », rempile chez son réalisateur pour devenir Marlanda, héroïne d’un hommage à Méliès et à son VOYAGE DANS LA LUNE, gardienne de phare persuadée que lorsqu’on meurt, on déménage sur une planète lointaine. Après la perte de sa chienne et de son frère, elle se met en tête de construire une fusée qui lui permettra de les retrouver. Le film, d’une mélancolie dévastatrice sous ses airs naïfs, s’intitule UNE PLANÈTE FORT LOINTAINE et dure 17 minutes de cinéma DIY du meilleur effet. Un retour au plaisir simple (mais pas tant que ça) du cinéma alors même que Juho Kuosmanen, né dans la ville de Kokkola, explique : « Pour moi, travailler à Kokkola me ramène à l’époque où le cinéma n’était encore qu’un jeu. Avec les longs-métrages, tout est devenu plus sérieux, alors ces films me permettent de retrouver une forme d’insouciance. »