LE LÉOPARD DES NEIGES

On a le loup et l’ours, le Tibet a le léopard des neiges, « l’âme des glaciers ». Cette espèce protégée s’en prend parfois aux troupeaux, comme ici, chez un jeune berger ivre de rage d’avoir vu neuf têtes de son troupeau massacrées par la bête. Il demande compensation financière sous peine de tuer le léopard en retour. Sa famille s’y oppose ; son jeune frère, moine, a développé une relation spirituelle avec l’animal. La situation est si tendue, l’affaire est si cruciale qu’une équipe de reporters pour la télévision locale la documente. Dans le très antispéciste film de Pema Tseden, on célèbre la noblesse de l’espèce, dans toute sa cruauté et sa solitude. On discute des images qu’on a obtenues d’elle, on entretient la mystique. Mais on met aussi les autorités en accusation : dans cette région où le bétail est parfois la seule source de revenus, on veut bien cohabiter avec la nature mais moyennant des aides. La situation n’est finalement pas si éloignée de celles qu’on peut connaître dans les Pyrénées régulièrement : la vindicte populaire semble être la même mais la loi est beaucoup plus inflexible dans l’Himalaya. Derrière les agitations et les éclats de voix de ces hommes rassemblés dans une ferme isolée autour de l’animal, là où la nature humaine est irrémédiablement à la fraternité, il y a une démarche spirituelle et empathique qui rend le film spécialement émouvant.