L’AMOUR AU PRÉSENT

31/12/2024 - Par Renan Cros
Un couple, l’amour, la mort et tout ce qu’il y a au milieu. Un pur mélo, sublimé par un duo merveilleux, où l’émotion n’est jamais exactement là où on l’attend.

1970, le monde entier pleure à chaudes larmes le couple Ryan O’Neal et Ali MacGraw. Mélo sur fond de maladie, LOVE STORY d’Arthur Hiller est un sommet d’un genre majeur et toujours un peu moqué. Souvent qualifié de « tire-larmes », le mélodrame serait à balayer d’un revers de mouchoir pour son intention trop évidente de nous faire pleurer. Les Grecs appelaient ça la catharsis et la trouvaient essentielle à la santé d’une société. Pleurer des mêmes choses, s’émouvoir ensemble, la chiale pour se rappeler qu’on est quand même aussi un peu toutes et tous les mêmes. L’AMOUR AU PRÉSENT s’inscrit dans cette longue tradition. Mais le film de John Crowley le fait avec une douceur et une intelligence inattendues.

Inattendues, pas tout à fait, quand on connaît sa filmographie. Déjà auteur des très beaux BOY A et BROOKLYN notamment, on sait le réalisateur capable de nous attraper par les sentiments. C’est ce qu’il fait avec cette histoire d’un couple, racontée de manière à la fois extrêmement prosaïque (la rencontre, la séduction, le quotidien, la maladie) et totalement sublimée par un dispositif simple et diablement efficace. L’AMOUR AU PRÉSENT est un mélo façon puzzle, l’histoire d’Almut (Florence Pugh) et Tobias (Andrew Garfield) diffractée par le temps. Des morceaux de leur histoire cousus dans le désordre, qui forment le patchwork d’une vie. L’idée est simple mais déplace intelligemment les présupposés et attendus du mélodrame. Là où d’ordinaire les larmes viennent dans la plus pure tradition grecque de la fatalité qui s’abat sur ceux qui avaient tout pour être heureux, ici, par ce subtil jeu d’échos à travers le temps, c’est la sensation constante du présent, l’instant comme moment à vivre qui bouleverse. À chaque scène, on redécouvre Tobias et Almut et leurs actions. La façon dont ils réagissent devient le seul curseur par lequel on peut appréhender cette histoire. Le quotidien doux se télescope avec les premiers doutes, la première rencontre percute (littéralement) un rendez-vous douloureux chez le médecin, le bonheur espéré avec son accomplissement etc. En éclatant le fil de leur histoire, John Crowley réussit à filmer non pas tant l’amour – le fameux coup de foudre de la romcom – mais la permanence d’un couple. Être à deux, ensemble. Malgré tout.

Boussoles d’un film comme une carte du tendre, Florence Pugh et Andrew Garfield font des merveilles à l’écran. Car ils offrent toute la nuance nécessaire à ce projet périlleux. Dans leurs mots, leurs gestes, leurs regards, défilent les hésitations, les petits vacillements, la force et les doutes que tente de saisir L’AMOUR AU PRÉSENT. Les larmes viennent d’eux, de leur façon de faire naître quelque chose de difficile à nommer. La sensation qu’entre ces deux-là, se joue devant nous quelque chose d’essentiel. Et si la maladie est là, terrible, et que peut-être le film s’égare un instant à vouloir dramatiser la trajectoire personnelle d’Almut, dès que ces deux-là sont ensemble à l’écran, il se passe quelque chose. On naît, on vit, on meurt et au milieu s’il se passe quelque chose, c’est bien. Ce quelque chose là, précieux et fugace, se niche dans les recoins, les sourires, les gestes et les regards. Et les larmes qui en découlent.

Crédits photos :
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Sortie : 01.01.25
Réalisateur : John Crowley
Avec : Florence Pugh, Andrew Garfield, Adam James, Aoife Hinds
Pays : Royaume-Uni
Durée : 1h48
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