LA FEMME DE MÉNAGE
Si vous avez eu en main le livre de Freida McFadden, vous savez. Les autres, installez-vous confortablement pour un petit voyage dans le temps. Car avec cet improbable thriller sur fond de rivalité féminine et d’étrangère dans la maison, on a l’impression de revenir à LA MAIN SUR LE BERCEAU, JF PARTAGERAIT APPARTEMENT et toute une vague de thrillers qui, dans les années 90, ont fait les belles heures des salles et des vidéoclubs. Et c’est peut-être la vraie qualité de ce roman et de cette adaptation ultra fidèle : nous ramener à un plaisir d’avant, un peu disparu. À la manière des romans de Mary Higgins Clark, papesse du genre dans les années 1990 (« La Nuit du Renard », « Un cri dans la Nuit », « Souviens toi »…), Freida McFadden invente un thriller au féminin aux grosses ficelles où l’on fait semblant de se laisser berner pour le plaisir de tourner les pages. Paul Feig, devenu grâce à L’OMBRE D’EMILY une sorte d’Hitchcock pour dames, n’a plus qu’à dérouler le programme. Soit l’arrivée de Millie, jeune fille sage, dans la grande maison des Winchester pour devenir ladite « femme de ménage ». Mais entre Nina, l’épouse parfaite et légèrement psychotique et la jeune femme pas si innocente, la tension monte… Un face-à-face façon jeu de massacre qui à l’instar de DESPERATE HOUSEWIVES, s’amuse à égratigner l’immaculé bonheur de la bourgeoisie américaine. Mais heureusement, à l’intérieur de ce programme très huilé, Paul Feig s’amuse, avec ses deux actrices, à instiller ce qu’il faut de camp, d’œillades flippantes, de sur-jeu tordant, d’effets toujours au bord du vrai et du faux pour nous rendre complices du film. Si Sydney Sweeney n’a pas complètement l’ironie qu’il faut, Amanda Seyfried s’éclate en bourgeoise barjo obsédée par son Ken de mari (Brandon Sklenar). C’est sa performance et tous les clins d’œil au genre (le grand escalier hitchcockien, la belle-mère flippante…) distillés par Feig qui assurent le spectacle d’un film plutôt en pilote automatique. Quand enfin, le film s’emballe et se dévoile, le réalisateur ramène cette histoire et sa cruauté à nous. L’effet, cathartique et troublant, est imparable, nous rendant victimes de nos a priori et des clichés. Dommage que ça ne dépasse jamais le stade du rigolo et que le film flirte avec l’outrance sans jamais y céder complètement. Dans les mains d’un De Palma période 80/90, cette FEMME DE MÉNAGE nous en aurait sans doute mis plein les yeux avec une jubilation tordue. Dans celles d’un Fincher, elle aurait creusé en nous des abîmes moraux et des sommets de malaise. Dans celles de Paul Feig, réalisateur au départ de comédie, elle propose juste un bon moment de cinéma à l’ancienne qui connaît son public. Et ce, jusqu’à l’usage réjouissant en générique de fin d’un tube éloquent et bien placé de Taylor Swift.
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De : Paul Feig
Avec : Sydney Sweeney, Amanda Seyfried, Brandon Sklenar, Michele Morrone
Pays : États-Unis
Durée : 2h11
