KNEECAP

12/05/2025 - Par Emmanuelle Spadacenta
Le biopic du groupe de rap nord-irlandais Kneecap, avec ce qu’il faut de vérité et de totale invention pour comprendre l’esprit de ces provocateurs engagés.

Ils jouent leur propre rôle et sont de sacrés bons comédiens : les trois membres du groupe Kneecap (Móglaí Bap, Mo Chara, DJ Próvai) n’auraient pas pu trouver meilleur réalisateur pour se réinventer sur grand écran. Rich Peppiatt, ancien journaliste pour la presse à scandale, avait mis en scène sa démission d’un tabloïd pour au final produire un documentaire sur l’état de la presse anglaise. Un goût pour les coups d’éclat qui le propulse aujourd’hui aux commandes du faux biopic du vrai groupe de rap de Belfast, un film qui capte parfaitement l’engagement des musiciens pour la défense de la langue irlandaise, l’impact qu’ils ont eu sur la culture urbaine en Irlande du Nord et qui, de manière allégorique, les assoit comme les fils d’une génération de combattants pour l’indépendance du pays. Dans le film, le père de Móglaí Bap joué par Michael Fassbender, est un ancien terroriste, qui a abandonné femme et enfant pour se planquer et continuer à mener une lutte, fantoche, depuis une petite ville de la côte. Un homme comme une légende, mais finalement peu glorieuse, incapable de déposer les armes alors que l’IRA l’a fait il y a longtemps. KNEECAP balaie la brutalité de cette génération d’un revers de main, ridiculise les fronts de libération d’aujourd’hui et assume, dans une démarche non violente, qu’on se batte avec les mots et un peu de grossièreté. Ainsi, à l’écran, dès que ça fredonne, que ça compose ou que ça rappe, les photogrammes sont griffonnés de mots-clés choc ou des traductions en anglais de la langue irlandaise avec laquelle Kneecap dit les pires obscénités sur la branlette ou la drogue – il ne faudrait pas qu’on en loupe une miette. Tour à tour nihilistes ou vindicatifs, les raps hyper ludiques de Kneecap rappellent souvent l’électro britannique qui rythmait le cinéma punk des années 90. On pense forcément à TRAINSPOTTING devant KNEECAP et à ses personnages en marge, irresponsables et brisés. Le film de Rich Peppiatt n’atteint jamais ce niveau de désespoir, préférant l’humour – aussi subversif soit-il –, son ultime forme de politesse. L’entêtement de Móglaí Bap et Mo Chara à résister à toute forme d’autorité anglaise, le lent dévergondage de DJ Próvai, docile prof d’irlandais au lycée obligé de se cagouler sur scène pour ne pas donner le mauvais exemple, cette attitude de petits cons foncièrement irrésistible : KNEECAP est drôle aussi à l’image. Peppiatt use de toutes les aberrations pour rendre hommage à l’anticonformisme du groupe : tout est de traviole, bizarroïde ; les garçons se biberonnant à la kétamine, KNEECAP peut aussi lorgner vers les clips d’Aphex Twin. Un film comme l’incursion par effraction de trois garnements dans un cinéma britannique qui ronronnait bien trop.

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Sortie : 18.06.25
Réalisateur : Rich Peppiatt
Avec : Móglaí Bap, Mo Chara, DJ Próvai, Michael Fassbender
Pays : Irlande / Grande-Bretagne
Durée : 1h45
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